Thomas Lapeyrie : « Le corps a ses raisons » 

Par Paul Humbert -

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Thomas Lapeyrie : « Le corps a ses raisons » 

Chef de file de la toute nouvelle équipe Orbea Enduro Team, Thomas Lapeyrie nous a annoncé il y a quelques jours un sérieux souci de santé qui l’écartait de la première course de la saison pour l’équipe : l’Andes Pacifico au Chili. Après une semaine d’hospitalisation à son retour en France, il nous écrit ces quelques lignes pour nous faire part de son état et de ce qui l’attend : 

Je pars donc sur cette course. Avant mon départ, j’avais cumulé de bonnes semaines d’entraînement. J’ai ajouté à ça pas mal de déplacements à droite à gauche, hyperactif comme je suis, c’était nickel, je n’ai pas eu le temps de m’ennuyer. Sauf qu’à quelques jours de mon départ, mon corps était assez affaibli en raison d’un petit rhume passager. Il se trouve également que j’avais prévu une semaine relax à Hawaii avant l’Andes Pacifico, justement pour arriver en bonne forme. Tout était bien planifié avec mon entraîneur. Avant de prendre mon avion une semaine avant la course au Chili, j’étais donc très fatigué et je n’avais simplement pas pris le temps de me reposer avant le vol et tout s’est enchaîné très vite. A mon arrivée sur place, j’ai contracté un mal de tête mais je ne me suis pas inquiété tout de suite. Le deuxième soir ça a empiré avec des bourdonnements dans les oreilles et le troisième soir j’avais le coeur qui battait très vite, très fort ; des vertiges et des pertes d’équilibre se sont accumulés. Dès le lendemain, je consultais un médecin qui me conseillait vivement d’aller voir un spécialiste. Après avoir contacté Orbea, j’avais rendez-vous avec un ORL dès mon arrivée au Chili. Mon état s’est aggravé avec une surcharge de voyage, une surcharge de fatigue, mais le corps a résisté grâce à l’adrénaline qu’il a créée.

Le lundi, j’arrive donc à mon rendez vous chez l’ORL, le médecin m’ausculte et il ne trouve rien d’anormal. C’est là qu’il prend ma tension, fait des grands yeux et part en courant chercher une assistante. Il me pose quelques questions sur mon état des derniers jours et me demande si j’ai l’impression d’être en train de mourir (?!?). Suite à tout ces symptômes étranges, les médecins s’inquiètent. Tout s’accélère, ils m’envoient aux urgences, mon coeur battait à plus de 100bpm allongé au repos et ma pression artérielle était à plus de 180, ce qui est énorme. Là je vois plusieurs médecins défiler, chacun avec un air plus inquiet que l’autre, ils étaient effrayés par mon état. Tout devient très stressant et ils m’expliquent que mon coeur s’emballe comme s’il allait s’arrêter. Ils m’expliquent que si je pars en altitude sur la course de l’Andes Pacifico, un arrêt cardiaque serait certain et donc fatal. Je décide alors de ne pas courir et de faire plusieurs examens complémentaires. Ils me donnent des calmants mais cette nuit là était horrible, mes battements cardiaques ne cessaient d’augmenter suite à l’accumulation de tout ces évènements et à une grosse montée de stress : ce n’était pas beau à voir. Bref. Le lendemain, tout se tasse et on commence les tests. IRM cérébral (peut-être des séquelles suite à plusieurs chutes sur la tête), échographie du coeur (pour s’assurer que la pompe fonctionne correctement), plusieurs scanners pour compléter le tout… Mon état se stabilise , je n’arrive toujours pas à dormir et j’ai toujours un mal de tête pas possible. Je dois patienter une semaine, faire des examens et voir différents médecins. C’était long, très long. Ils me conseillent du repos et pensent à une sorte de burnout, un surmenage du corps entre hyperfatigue, hypertension, surcharge de voyage et manque de repos. Les signaux présents pourraient expliquer tout ça. Mon mal de tête ne passe pas et j’accumule les insomnies. Je dois attendre la fin de la semaine pour être certain de pouvoir prendre l’avion retour. 

J’arrive donc en France le lundi suivant, après deux semaines de galère, pour d’autres examens et enfin savoir ce qui cloche. Je pensais avoir passé le plus dur mais cette semaine devient un cauchemar. Dès le lendemain de mon arrivée, je revois un médecin qui me prévoit un examen barotraumatique, un passage dans un caisson hyperbare, une prise de sang complète et enfin des radios des cervicales. Donc direction l’hôpital pour ces nouveaux tests. Suite à l’examen hyperbare, on révèle un traumatisme sonore lié à mon oreille interne qui serai intervenu lors de mon premier vol il y a maintenant deux semaines. Mon erreur est d’avoir un peu trop tiré sur la corde sans m’en rendre compte, la tête dans le guidon. J’avais pris l’avion un peu trop fatigué avec un simple rhume de passage, mais mon corps était vulnérable et par pure malchance, j’ai été victime de ce phénomène qui est très délicat à déceler et qui peut être très long à soigner. Les conséquences sont potentiellement vraiment mauvaises : ce qui explique mes maux de tête, vertiges, pertes d’équilibres, insomnies avec un état d’hyperfatigue. Ma pression artérielle montait, mon coeur était beaucoup trop haut et aux urgences, les médecins me percevaient en état de choc et pensaient à un arrêt cardiaque. Ça aurait vraiment pu être fatal avec un effort physique en altitude… mais n’y pensons pas. 

Après les tests passés et les résultats connus, j’ai reçu un traitement lourd à base de corticoïdes pour agir sur mon oreille interne. Mon corps s’emballe et lutte, mon coeur est super haut la journée comme la nuit. Il me devient impossible de trouver le sommeil car mon corps est plein d’adrénaline. J’ai cumulé quatre nuits blanches complètes. Mon esprit était totalement épuisé, à bout de force, mais mon corps continuait de lutter. Il me faudra du temps pour m’en remettre, pour simplement retrouver le sommeil et pour reprendre quelques forces avant de pouvoir monter sur la bicyclette… 

Ça fait maintenant 4 semaines que tout a commencé. Les résonances dans mes oreilles m’empêchent de m’endormir et tant que je ne dors pas, ça ne passera pas. C’est un cercle vicieux, un vrai « mental game » cette histoire… Ok, j’ai bien compris, maintenant j’accepte cette situation car je sais d’où ça vient et je sais qu’il me faudra du temps. Je me sens déjà beaucoup plus détendu et ces 2 dernières nuits, j’ai réussi à dormir environ 3-4 heures, ce qui fait un bien fou. Je continue donc sur cette lancée et lutte pour arriver à dormir mais je garde espoir que tout se tasse. Relaxation et méditation sont mes alliées. Je prendrai le temps qu’il faut en tous cas !

Il y a toutefois de belles leçons à en tirer. Cette mésaventure pourrait faire partie du jeu quand on veux toujours aller plus loin et qu’on se laisse facilement embarquer dans cette dynamique. Vous connaissez bien le dicton : « Plus vite, plus haut, plus fort. » Mais voilà, lorsqu’on ne connaît pas nos limites personnelles et que l’on joue à ce jeu, cela devient dangereux car c’est une drogue. C’est cette adrénaline qui nous pousse à toujours nous dépasser. Je vivais pleinement cette expérience au quotidien et mon seul et unique but personnel était de sans cesse repousser mes limites. J’ai toujours voulu voir jusqu’où je pouvais aller, jusqu’à quel point j’étais capable d’évoluer. Me dépasser, souffrir, me faire mal et ne pardonner aucune faille à mon corps et mon esprit étaient mon quotidien. Ces dernières semaines, j’ai vite compris que le jeu n’en valait pas la chandelle. Le problème est que derrière nos limites se cachent de mauvaises choses et je vous assure que vous n’avez pas envie de les connaître. Le corps nous envoie sans cesse des signaux qu’il faut savoir écouter. Pour ma part, j’ai toujours vécu à 200 à l’heure et je ne prenais pas assez de temps pour me reposer. Un signe peut-être ? Ou alors, on pourrait simplement se dire que c’est un coup de malchance, que ce sont des choses qui arrivent et qu’il faut savoir accepter les évènements de la vie ? 

En tout cas je n’ai vraiment qu’une hâte, c’est de remonter sur mon vélo, à la cool, sans pression bien sûr, juste pour une bonne bière d’après-ride !

Si j’avais un conseil à vous donner, ce serait simplement d’être à l’écoute de soi et surtout de profiter un maximum de chaque instant, de cette chance que nous offre la vie. Prenez soin de votre santé avant tout et gardez votre joie de vivre, vivez chaque moment intensément.

Vivez avec beaucoup d’Amour <3

Kiss & Peace 

LOVE »

Découvrez notre reportage lors du tout premier stage et de la rencontre de l’Orbea Enduro Team : https://www.vojomag.com/le-tout-premier-ride-de-lorbea-enduro-team/

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ParPaul Humbert