Les lignes incas secrètes de Tito Tomasi en Équateur

Par Elodie Lantelme -

  • Nature

Les lignes incas secrètes de Tito Tomasi en Équateur

Tito Tomasi, globe-rider et dessinateur, voyage régulièrement en Amérique du Sud. Cette fois, il a décidé de revenir en Équateur et de découvrir le pays à sa façon, sur les traces des Incas. Plongée avec lui sur la ligne du globe…

Depuis des années, je viens en Amérique du Sud. J’ai déjà visité l’Équateur une fois, mais voilà un moment que je planifie cette aventure spéciale. L’Equateur, c’est la terre des volcans, des glaciers, des montagnes immenses et de la jungle. Dans mes bagages, j’ai pris mon vélo. Je vais suivre la ligne… en espérant me perdre. Mon but est simple : partir de Quito et suivre le chemin inca vers le sud pour rallier le Pérou.

Je m’élance depuis le sud de la capitale, direction le Cotopaxi. Avec tous les bagages, le vélo pèse, mes jambes s’activent. Chaque départ est un moment particulier, un mélange d’excitation et d’appréhension. La pluie m’accueille dès le premier kilomètre ! Ça met dans l’ambiance.

Puis les jours sur le vélo défilent, je navigue : Cotopaxi, puis plus au sud, et Sighos vers l’ouest, pour enfin arriver sur Quilotoa, le lac dans le cratère. Le temps alterne entre froid insupportable, neige, grêle, pluie et forte chaleur. Un pays plein de contrastes !

Des pentes de sable volcanique aux forêts humides, je me régale sur le vélo… à condition d’éviter le paramo. Cet écosystème situé en altitude est propre à l’Équateur. Dans cet environnement froid et humide, les matières organiques s’accumulent au lieu de disparaître, et petit à petit, elles se transforment en une éponge immense, où rouler est fortement déconseillé.

Ma trace m’emmène vers le sud. J’y trouve de moins en moins de sentiers pour continuer cette traversée du pays. D’après mes recherches, avec l’aide de mon pote guide Mateo, qui tient l’agence Ride Ecuador, je ne trouve plus que des pistes. En attendant un créneau météo plus clément, je décide de rester chez Mateo. Je décroche les bagages du bike jusqu’au moment où Popin, le photographe, m’appelle. Départ de nuit le lendemain matin, nous allons rouler le mystérieux cratère de Pulaluha.

Une fois en haut du cratère s’ouvre sous nos yeux un cirque vert immense et magnifique. Entre ride et photos, Popin raconte l’histoire du coin.

Pulaluha

Installé dans son pick-up, je vois le soleil se lever sur un paysage sec et désolé. Pourtant, nous cherchons un environnement luxuriant pour ces photos. Mais une fois en haut du cratère s’ouvre sous nos yeux un cirque vert immense et magnifique.

Entre ride et photos, Popin raconte l’histoire du coin. Les Yungos ont découvert et colonisé ce cratère bien avant l’arrivée des Incas. Ils ont continué à troquer le fruit de leurs cultures avec les colonisateurs venus du Pérou. Les Yungos sont toujours là, comme leurs sentiers qui parcourent cet environnement. Au pied de la montagne, une zone ferrugineuse teinte la terre de rouge, de blanc et se mélange au souffre. Vision unique et fascinante.

Cotopaxi

La pluie nous rattrape, il est temps de reprendre la route. Nous dormirons dans l’hôtel de montagne du Cotopaxi et profiterons du cadre… Sauf que les nuages sont très bas. Ils ne laissent pas voir ce sommet culminant à 5897 mètres et le matin, c’est la neige qui nous tend les bras ! Des bras froids et givrants, qui donnent peu envie de commencer à rouler. Mais le terrain volcanique est un régal. Il n’y a plus qu’à s’habiller et à superposer les couches…

Les courbes dans la neige crachent le sable, les sauts se terminent dans un sol moelleux… ces quelques portions de freeride vraiment super nous mènent sur un trail longeant le canyon. Des lignes droites rapides donnent des frissons. Bonheur et liberté. Les condors volent en cercle et, en bas, les chevaux sauvages taillent la pampa au galop en me voyant. Nous les rejoignons dans les herbes hautes avant de finir par une portion ponctuée de virages dans la pente, d’ornières. On se gave !

Chimborazo

Je connais Mateo depuis plusieurs années. On s’est rencontrés sur l’Andes Pacifico, au Chili. C’est un passionné de montagne et un rider hors pair. Il me propose quelques journées pour rouler fort et découvrir de nouveaux sentiers. Cap sur le Chimborazo, un volcan immense recouvert de glaciers et de séracs de plusieurs centaines de mètres de haut, qui culmine à 6268 mètres d’altitude. Avec les pentes de sable et les montagnes environnantes, le potentiel VTT est unique, on va passer du glacier à la jungle !

 

Mateo nous guide dans ce décor de neige et de roche, on virevolte, on glisse et on saute. Puis on traverse une zone immense hors sentier …

 

La journée pour y aller commence comme beaucoup d’autres. Allongé sur la banquette arrière du pick-up, je vois le jour se lever sur une nature précieuse pour le pays. L’État contrôle et protège son environnement. Nous entrons au guidon dans le parc naturel du Chimborazo. Une grosse ascension sur piste nous mène jusqu’au lac du Condor, à 5100 mètres, au pied des glaciers. Ambiance montagne et paysages magnifiques ! Le sentier en terre volcanique joue avec les pierriers.

Mateo nous guide dans ce décor de neige et de roche, on virevolte, on glisse et on saute. Puis on traverse une zone immense hors sentier, mon comparse mène la danse à une allure endiablée ! Bientôt, nous débarquons dans des zones de pierres immenses et noir posées sur un désert à plus de 4000 mètres d’altitude. Ascension et traversée dans ce paysage insolite : Mateo me prévient, on va descendre vite !

Le sentier en balcon surplombe des alpages déserts et on vole dans les nuages avant d’arriver dans les campagnes. Premières fermes, retour des épingles, des ornières, des sentiers plein de cochons et de poules… des chiens qui nous courent après. Saveur locale ! 

Mamarumi

Après un barbecue local partagé, on repart vers la forêt. Marcello, un pote de Mateo, nous conduit au départ de Mamarumi, le sentier le plus connu d’Équateur. Le trail, différent de ce qu’on a connu jusque-là, s’enfonce dans la végétation. Il dévale la montagne vers la jungle. Il pleut des cordes. Une multitude de parties difficiles et techniques ponctuent le single. On se bat avec la boue, les bambous… Mon Rocky saute facilement.

Ça vire fort dans les virages, accélère dans les compressions. Il m’aide à tirer le meilleur du sentier. Marcello nous attend dans un petit village au bord du fleuve, à 700 mètres d’altitude. On arrive couverts de boue, la tête pleine d’images et le corps vibrant des sensations de la journée. Mateo et moi nous endormons dans le pick-up que Marcello conduit jusqu’à Bellavista, dans son chalet, en haut de la montagne.

 

Chaque voyage nécessite de la préparation. Il est fait de projets, d’objectifs, mais aussi d’imprévus.

 

Au lendemain, je me réveille avec vue sur un coin superbe : des montagnes et des forêts, les chevaux de Marcello se baladent en liberté, des chiots viennent nous chercher pour jouer… Le Chimborazo est dégagé, on décide direct de prendre la route pour aller rouler au soleil. C’est parti pour une belle séance photo ! Canyons, pentes de sable avec le glacier en arrière-plan, l’œil s’affole. Mon souffle aussi, sous l’effet de l’altitude. Je remonte les pentes à fond, la tête tourne, et l’air manque.

Après ces deux semaines en Équateur, vient le moment de passer en revue les souvenirs. L’Équateur est un pays superbe. Il m’a permis de rester fidèle à ma vision du voyage à VTT. Je vais continuer à mettre le cap sur des trails incas du sud du Pérou.

Chaque voyage nécessite de la préparation. Il est fait de projets, d’objectifs, mais aussi d’imprévus. Cette fois, il a fallu composer avec des sentiers incas complètement disparus et le mauvais temps. Oublier les attentes et objectifs pour se concentrer sur la chose la plus importante que l’on possède : l’instant présent. Vive la vie !

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ParElodie Lantelme