La première World Ebike Series de Monaco vécue de l’intérieur

Par Olivier Béart -

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La première World Ebike Series de Monaco vécue de l’intérieur

Si nous n’avons rien contre le vtt électrique, que du contraire dans la mesure où nous voyons ce qu’il apporte au niveau de l’accessibilité de notre sport et du plaisir que peuvent y prendre certains profils de bikers (en manque de temps, de retour de blessure, plus âgés, etc), nous avons toujours été très mesurés et critiques quant aux compétitions pour vélos électriques. Mais le meilleur moyen d’avoir un avis informé est d’aller sur le terrain, et c’est que que notre pilote/testeur Nicolas Casteels a fait en participant pour Vojo à la toute première manche de l’histoire des World EBike Series qui s’est déroulée à Monaco. A son retour, nous avons recueilli ses impressions.

Lorsque l’invitation est tombée pour participer au premier World Ebike Series (WES) qui s’est déroulé à Monaco mi-avril et qu’il s’est avéré qu’aucun membre de la rédac n’était disponible, Nico a de suite levé la main et accepté de jouer au rider infiltré pour vivre cet événement de l’intérieur.

Reconnus par l’UCI, les World Ebike Series offrent deux formats de course : Enduro, puis XC, avec des classements séparés. Des randonnées plus grand public sont aussi prévues en marge des événements, qui sont au nombre de quatre pour cette première saison 2019 : Monaco, Suisse, Italie et Espagne.

Pour cette première épreuve, quand on dit Monaco, c’est juste pour le village exposants et les cérémonies. Car l’action s’est déroulée du côté de Peille, dans le jardin de gars comme Nico Vouilloz et Adrien Dailly, qui étaient présents aux côtés d’autres grands noms du vtt comme Nico Lau, Alex Cure, Nico Quéré (qui s’est d’ailleurs imposé sur l’enduro) ou encore Marco Fontana.Au guidon d’un Specialized Levo Comp quasi 100% stock dont il n’a pris possession que quelques jours avant, Nico a participé tant au XC qu’à l’enduro… et avec un certain succès d’ailleurs puisqu’il a terminé 3e du XC derrière Jérôme Gilloux (qui est depuis devenu champion de France EBike devant Julien Absalon) et Gustav Wildhaber, mais aussi devant un certain Marco Fontana avec qui il s’est payé un beau tirage de bourre.

Dans cet article, nous avons eu envie de vous livrer son point de vue, en toute subjectivité, mais qui illustre la façon dont un participant « lambda » a perçu cette première « coupe du monde » de vtt électrique et ce qu’il en retient, en positif comme en négatif. Voici la retranscription de la conversation que nous avons eue avec lui à son retour.

Nico, qu’avais-tu en tête avant d’y aller ? Quelle idée te faisais-tu d’une « coupe du monde ebike » ?

Je savais juste que cela existait, mais je n’y avais pas vraiment prêté attention car je fais finalement assez peu de vtt électrique. J’aime bien cela quand j’en ai en test pour Vojo, c’est aussi pratique pour aller dégager un sentier, baliser une rando, mais j’aime aussi toujours rouler des vélos classiques. En fait, ici, pour dire la vérité, j’étais surtout intéressé par l’endroit : Peille est un endroit mythique pour le vtt. Il y avait un beau plateau aussi, pas très fourni mais de qualité. J’avais prévu des vacances en famille à cette période et on a juste adapté un peu nos plans pour y aller.

Monaco, cela donne une image un peu bling-bling… quelle a été ton impression en arrivant ?

Je dirais que c’était aussi familial que pro. Mais pas bling-bling ! C’était pro au niveau de l’organisation, des visuels soignés, de la disposition du (petit) paddock avec les sponsors bien mis en avant, de l’écran géant pour suivre la course, de la présence de photographes et d’équipes vidéo, etc. Mais par contre, l’ambiance était très relax, très vtt. Il faut reconnaître aussi qu’il y avait peu de monde (je dirais une 40aine de riders pro et une centaine de randonneurs), ce qui aidait bien à ce niveau. On sent bien que c’est le début. Enfin, c’est l’impression que cela m’a donné. Je pense et j’espère pour eux que cela va grandir car il y a clairement la place et la structure pour cela.

Sur le « Rocher », le WES attirait un peu les badauds ? Un public lambda qui était curieux ?

En fait, à Monaco, il y avait assez peu de choses. Un petit salon, les podiums,… mais ce n’était pas hyper visible même si c’était sur le port. En plus, c’était les préparatifs du GP de F1 donc à côté le WES, c’est un peu une goutte d’eau et cela passait inaperçu en ville. A Peille, là où se déroulaient vraiment les courses, le paddock était aussi un peu en dehors de la ville, principalement pour une question de place car le village est très petit. Il y avait donc peu de public hors vélo là-bas aussi.

Le week-end de course a commencé avec le XC…

Oui, et là il y avait quand même du monde autour du circuit, car la boucle était compacte (2,5km) et bien pensée pour le spectacle. J’ai trouvé le tracé assez intéressant, avec une longue côte d’abord facile puis devenant bien technique avec quelques franchissements clairement pas faits pour les vélos sans assistance. On avait ensuite du technique sinueux avec de vrais choix de trajectoires, des possibilités de doubler, et on terminait avec une descente sur une section d’une spéciale enduro du lendemain.

Le parcours n’était pas infaisable en vtt classique, mais six fois d’affilée, ça aurait été dur sans assistance, même pour des pros. C’est un circuit qui demandait beaucoup de concentration et de pilotage, ce que l’électrique permet car on peut aborder les difficultés moins cramé physiquement et donc avec plus de lucidité.

Niveau course, c’était amusant ? Tu t’es tiré la bourre avec Marco Fontana tout de même !

Oui, c’était vraiment fun. Jérôme Gilloux s’est envolé de suite et on ne l’a jamais revu. Il était au-dessus du lot. J’ai réussi à rester au contact de Wildhaber et Fontana… qui avait fait un curieux choix de vélo en roulant sur un hardtail ! Pour moi c’était bien trop cassant pour cela. N’empêche, on voit que c’est vraiment un top pilote car il était impressionnant. Mais il a crevé vers la fin. Même là, j’ai eu du mal à le rattraper en descente, jusqu’à ce qu’il chute alors que j’étais dans sa roue. Au final, j’arrive 3e, ce qui était assez inespéré pour un gars qui arrive les mains dans les poches, sur un vélo qu’il ne connaît pas et pas du tout optimisé (j’avais pris des outils et un kit de réparation sur le bike comme si j’allais sur une rando alors que c’était complètement inutile).

Et l’enduro ?

En gros, ça ressemblait à des spéciales d’un enduro classique, mais avec tout de même chaque fois une belle partie physique dedans. A l’exception notable de la SP3 qui était en fait la mythique DH de Peille… mais elle n’a pas été roulée en course car il a plu et elle était bien trop dangereuse (je pense que c’était une sage décision). Les rochers là-bas sont hyper glissants quand il fait humide et déjà en temps normal, les traces nécessitent un gros niveau. Quand on roule là, on se dit que ce n’est pas par hasard que c’est un tel vivier de champions. Au final, on a fait deux fois la première SP pour avoir tout de même trois spéciales au compteur en fin de journée.

Toi qui fais beaucoup d’enduros, qu’as-tu pensé de l’assistance du VAE dans les liaisons ?

Dans une des liaisons, ça a permis de la rouler sur le vélo car sans assistance ça aurait été un long portage/poussage. Mais l’autre liaison était sur route donc moins d’intérêt. En spéciale, les parties physiques étaient intéressantes avec l’assistance mais très faisables aussi en vtt classique selon moi.

Et côté pilotage en spéciale, VAE contre classique ?

D’un côté, le VAE c’est encore plus de plaisir parce que, comme le vélo est plus lourd, il faut exagérer les mouvements pour compenser le poids du bike. Il faut l’accompagner plus, et j’ai beaucoup aimé. Puis, le fait d’avoir l’assistance et donc de délester un peu le physique permet de se concentrer plus sur le pilotage en tant que tel, sans être cramé par la moindre relance ou par les longues liaisons. Tout l’influx qu’on ne donne pas dans les jambes, on peut le garder pour le pilotage pur.

Par contre, je ne pense pas qu’on roule beaucoup plus vite. Il faut vraiment pousser fort pour aller au-delà de 25km/h (limite du moteur) et ce n’est pas toujours « rentable » de le faire. Le vélo est aussi moins joueur, plus collé au sol, il faut en tenir compte. Notamment pour les pneus où, pour ce genre d’épreuve, il faut absolument rouler avec des gommes tendres et carcasses de DH bien renforcées car sinon c’est la crevaison assurée et il y a trop de flou dans les appuis. On a vu que les moteurs étaient tout de même aussi bien sollicités et il y a eu quelques abandons à cause de surchauffes et autres.

On parle un peu de technique : comment se passent les contrôles ?

C’est assez simple, mais cela prend un peu de temps. Il y a une mesure du diamètre des roues, pour voir si on ne triche pas sur la limitation de vitesse, il faut fournir le certificat de conformité du vélo. Il y a aussi un contrôle visuel pour vérifier qu’il n’y a pas de puce ou autre tuning moteur, puis le logiciel est remis en version « usine ». Le vélo est ensuite scellé avec des petits stickers, des contrôles sont encore faits au hasard au départ des spéciales et on ne peut pas avoir accès au smartphone pour jouer avec les paramètres. Bon, on sentait qu’ils étaient plus au point sur les Bosch et Shimano que sur le Brose du Specialized, mais dans l’ensemble ça avait l’air de tenir la route. Ils n’ont par contre rien demandé au niveau batterie et j’ai donc pu rouler en 700Wh. Mais vu la durée des courses, ce n’était pas vraiment utile.

Avec ce que tu as vu ici, tu penses que ce genre de course ebike de niveau mondial a un avenir ?

Je ferais la distinction entre XC et enduro. De façon assez surprenante, je me suis plus pris au jeu sur le XC. Sans assistance, jamais je n’aurais pu venir jouer avec des gars comme Fontana. C’est gai de faire aussi la course en montée et de voir que les différences physiques restent mais sont atténuées par le moteur et laissent plus de place au pilotage. Par contre, c’est dommage qu’il n’y ait aucune notion de gestion de la batterie. Tous les propriétaires de VAE parlent d’autonomie, mais ces courses ne la mettent pas du tout à l’épreuve, ni les capacités de gestion des pilotes. Dommage.

Sur l’enduro, c’était très élitiste au niveau des traces. Clairement, ce n’est pas accessible à tous. Mais par contre, l’événement mérite d’être vécu. L’organisation est aux petits soins, l’ambiance entre les pilotes est géniale, et ça doit aussi être bien sympa à faire entre potes… pour peu que tout le monde ait un bon niveau technique à défaut d’être affûté physiquement.

Ce n’est donc pas pour monsieur tout le monde ?

Non. Ma perception est que le pratiquant lambda qui a décidé de passer à l’ebike ou de se remettre au vtt par l’électrique (ce qui est je pense la majorité) ne va pas du tout se retrouver dans ce genre d’épreuve. Le dimanche, il y avait des formules randos, mais la course est faite pour une élite, clairement. Qu’il y ait une sorte de F1 du vtt électrique, réellement de niveau mondial, pourquoi pas, mais à mon avis il y a d’autres formes d’épreuves, plus conviviales et variées à développer en parallèle et qui manquent aujourd’hui. Pour viser juste les bandes de potes qui veulent se tirer la bourre et avoir un beau cadre pour utiliser leur vélo électrique autrement qu’à leur habitude.

Un dernier mot ?

Oui : quand le WES a été présenté, on pouvait penser que c’était un truc lancé par opportunisme par des businessmen. Mais en ayant participé à la première, je pense que ce n’est pas le cas. J’ai senti de la passion, des gens qui s’investissent pour créer quelque chose de nouveau et il faut respecter cela. Ils n’ont certainement pas fait le moindre bénéfice sur ce week-end, que du contraire ! Il y a des choses à redire, des points à développer, mais c’est quand même une bonne base. Il y avait déjà un beau plateau, mais je leur souhaite d’attirer encore plus de pilotes à l’avenir, tant en nombre qu’en « stars » comme Absalon ou Barel qui roulent souvent en VAE mais qui n’étaient pas présents.

Plus d’infos : https://www.worldebikeseries.com

ParOlivier Béart