À la conquête du glacier d’Aletsch: 36h en autonomie

Par Paul Humbert -

  • Nature

À la conquête du glacier d’Aletsch: 36h en autonomie

Une photographie trouvée au hasard d’un panorama majestueux dans le Valais suisse a hanté Julien Prenez pendant presque 12 mois. L’objectif de ce membre éminent du Giromagny Enduro Team: rouler un célèbre trail au plus près du glacier d’Aletsch, le plus grand des Alpes, un chef-d’œuvre de la nature.

En consultant les cartes et le site Internet de l’office du tourisme, j’ai découvert qu’un trail de plus de 12km longeait le glacier…  Fini de tergiverser, la décision est prise, il est temps de préparer le sac pour l’aventure.

J’arrive à rallier à ma cause mon coloc « Jojo », toujours friand de ce genre d’aventures en montagne. La météo de cet automne est plutôt clémente, les températures annoncées ne descendent pas en dessous de 6°C la nuit et une moyenne de 18°C est prévue pendant la journée.

Au programme : effectuer en 36 heures une boucle de 80 km en autonomie, avec départ et retour du village de Mühlebach, un petit village dans la vallée en dessous du massif de l’Eggishorn.

Nous commençons notre périple en traversant de charmants petits villages suisses perchés dans la montagne comme celui de Bellwald, où nous observons de drôles de petits chalets posés en équilibre sur des disques en pierre. Appelés « raccards » il servaient autrefois à stocker le blé et éviter que les rongeurs ne pénètrent dans les réserves pour l’hiver. 

Déjà plus de 5 heures que nous avons quitté notre village de départ et près de 1600 mètres engloutis

En plus de cette curiosité culturelle, un superbe singletrack naturel traverse le village et termine sa course le long d’une rivière, en bas de la vallée du Rhône. Des vaches, des marmottes, des chalets… on est bien en Suisse. Une première mise en bouche qui donne envie d’en voir plus.

La suite du programme se révèle très physique. Nous traversons la station de ski de Fiesch pour rallier une piste forestière. Au programme: trois heures de montée pour engloutir 1000 mètres de dénivelé et relier le plateau de l’Eggishorn. Tout passe sur le vélo, la vue est belle, on peut apercevoir au loin les montagnes qui entourent le Cervin. 

Un joli trail de traversée de quelque 6 kilomètres permet d’accéder à la partie nord-est du plateau, non loin du glacier. Déjà plus de 5 heures que nous avons quitté notre village de départ et près de 1600 mètres engloutis, nos jambes commencent à réclamer du repos. Mais impossible de nous arrêter, nous continuons inlassablement notre route, impatients de découvrir le géant de glace. 

Après 7 heures de vélo et une traversée finale dans un tunnel de 1,5 kilomètre, nous voilà en face de lui : le glacier d’Aletsch. Les photos et vidéos consultées ne rendent pas justice à l’immensité du spectacle qui s’offre à nous. 

Le début du célèbre singletrack Roti Chumme est perceptible entre les rochers et les dalles qui surplombent le glacier. Nous décidons d’installer notre tente sur une immense dalle en face de la langue glacière. Pendant plusieurs heures, nous contemplons ce miracle de la nature. Nous méditons sur notre statut de privilégiés et pensons à cette chance que nos petits-enfants n’auront sûrement pas de pouvoir observer le plus grand glacier d’Europe.

Après un repas de fortune au réchaud et une petite bière de réconfort, il est l’heure de s’endormir le corps fatigué mais l’esprit apaisé.

15 centimètres de largeur pour 12 kilomètres de bonheur : de la terre sablonneuse et des roches granitiques, un grip proche de la perfection 

Au réveil, les nuages et la brume se sont invités dans notre périple, rendant l’ambiance des plus mystique. Nous décidons de lever le camp à 6 heures pour effectuer une première boucle le long du trail Märjelen. Le soleil peine à percer la couverture nuageuse, mais finalement, le spectacle est d’autant plus incroyable lorsque les premières lueurs viennent caresser les montagnes. Ce premier trail de 400 mètres de D- est une pure merveille, un vrai singletrack technique avec des roches, des franchissements et quelques épingles exposées. Nous sommes vites réveillés.

Après cette petite boucle, nous marquons une pause à notre camp de base pour récupérer nos affaires et attaquer la pièce maîtresse de notre aventure : le Roti Chumme, le fameux trail qui longe le glacier. 15 centimètres de largeur pour 12 kilomètres de bonheur : de la terre sablonneuse et des roches granitiques offrent un grip proche de la perfection. 

Malgré les conditions humides, nous prenons vite confiance sur des lignes engagées et envisageons quelques petites manœuvres techniques au-dessus du vide. Le glacier, lui, ne bouge pas et nous regarde, impassible, pendant notre instant de plaisir. On peut parler de bon VTT, car oui, il y a des passages techniques, mais il y a aussi beaucoup de flow et de vitesse.

Après la première partie le long du glacier, nous effectuons un petit portage pour joindre la crête au-dessus de nous. Sous l’œil et les encouragements des marcheurs très sympathiques, nous approchons le sommet du Bettmerhorn, à quelque 2800 mètres d’altitude. La suite du programme est jouissive : une magnifique crête avec la vallée ensoleillée à gauche et le glacier sur notre droite. Des dalles dignes de Squamish et de superbes enchaînements techniques sont au menu. Il ne nous faudra pas loin de 2 heures pour descendre jusqu’en bas de la vallée et terminer notre conquête du bonheur. 

Dimanche, 14 heures. Voilà 36 heures que nous sommes partis. Pas loin de 3500 mètres de dénivelé avalés, la mission est terminée. Un peu comme dans un rêve éveillé, nous avons du mal à réaliser ce qui vient de se passer. Le glacier d’Aletsch a tenu ses promesses.

Infos, tracés et itinéraires : https://www.aletscharena.ch/fr/

Texte et photos : Julien Prenez

ParPaul Humbert