Championnats du Monde 2021 | XCC : Frei et Blevins écrivent l’histoire

Par Léo Kervran -

  • Sport

Championnats du Monde 2021 | XCC : Frei et Blevins écrivent l’histoire

Quelle première ! Introduites au programme de la coupe du Monde en 2018, les épreuves de short-track faisaient leur apparition cette année aux championnats du Monde. En 3 ans, le format a largement fait ses preuves et cette fois encore, les courses n’ont pas déçu. Extrêmement rapide et sans temps mort chez les femmes ou tactique et au rythme qui augmente progressivement chez les hommes, il y en avait pour tout les goûts ! Le suspense a tenu jusqu’au bout et ce sont finalement deux outsiders qui se sont imposés, au nez et à la barbe des « spécialistes » : encore jamais vainqueurs en coupe du Monde, Sina Frei et Christopher Blevins ont marqué l’histoire aujourd’hui en devenant les premiers champions du Monde de la discipline.

Championnats du Monde oblige, les règles de ces épreuves de short-track étaient quelque peu différentes de celles de la coupe du Monde. Ici, la course n’a aucun lien avec le XCO de samedi, sinon celui de fatiguer un peu les pilotes qui y prennent part. Elle n’est pas obligatoire et ne détermine pas la grille de départ du XCO et il est donc tout à fait possible de ne pas s’y aligner pour se préserver. C’est justement ce qu’ont choisi des pilotes comme Kate Courtney, Anne Tauber, Yana Belomoina, Lena Gerault, Nino Schurter, Mathias Flückiger, Jordan Sarrou, Victor Koretzky…

Cette fois, les pilotes ne sont pas obligés de rouler avec le même vélo en XCC et en XCO.

Autre changement de taille, le choix du matériel est libre et les pilotes ne sont pas obligés de rouler avec le même vélo en XCC et en XCO. Ce jeudi soir, on a donc vu beaucoup plus de semi-rigides que d’habitude sur le short-track, chez les femmes comme chez les hommes. Enfin, on notera que l’UCI avait dû organiser des qualifications pour la course hommes (deux short-track de poule disputés mardi) pour limiter le nombre de partants et définir la grille de départ. Chez les femmes, ce « problème » ne s’est pas posé et la grille de départ était déterminée par le classement mondial.

A Val di Sole, le parcours de short-track est à l’image de celui du XCO, ou même de la DH : (très) difficile physiquement et plutôt technique pour un short-track, avec plusieurs passages où il est facile de partir à la faute. Les pilotes doivent ainsi remonter une section émaillée de cailloux de la piste de 4X et les occasions de se reposer sont rares car la descente est entrecoupée de plusieurs virages à 90° ou en épingle qui obligent à relancer.

Femmes

A-t-on retrouvé la grande Jolanda Neff de 2018, lorsqu’elle semblait intouchable ou presque ? C’est ce qu’on se demande au départ de la course de short-track alors que la Suissesse, sacrée championne olympique de XCO il y a un mois exactement, prend le meilleur départ devant Eva Lechner et Linda Indergand.

Derrière, Evie Richards est parfaitement placée dans les roues en bonne spécialiste de la discipline, suivie par Janika Loiv (qui reculera assez vite), Rebecca McConnell, Sina Frei, Pauline Ferrand-Prévot, Anne Terpstra, Jenny Rissveds…

A la fin de cette deuxième boucle, un groupe de 11 pilotes se dégage assez nettement du reste du peloton

Malgré le vent qui se lève, le premier tour est bouclé à fond et personne n’a l’air de vouloir ralentir. Eva Lechner prend la tête devant Evie Richards tandis que Neff recule un peu, sans perdre le contact avec le groupe de tête. A la fin de cette deuxième boucle, un groupe de 11 pilotes se dégage assez nettement du reste du peloton. En plus des pilotes déjà citées, on y trouve également Alessandra Keller (ce qui fait 4 Suissesses dans le groupe), Greta Seiwald et Haley Batten, qui fait office de serre-file.

Dans la troisième boucle, une erreur de Sina Frei dans la montée du 4X sépare un temps le groupe en deux mais tout rentre dans l’ordre au même endroit un tour plus tard. C’est le moment choisi par Evie Richards pour relancer violemment l’allure, alors que le rythme avait légèrement diminué. L’attaque de la Britannique dans la montée herbeuse qui suit fait mal à tout le monde mais elle ne s’arrête pas et relance derrière chaque virage.

Linda Indergand, Jolanda Neff et Jenny Rissveds finissent par décrocher du groupe mais Richards doit récupérer et les trois pilotes parviennent à rentrer peu après le début du cinquième tour. Pendant ce temps, Pauline Ferrand-Prévot est toujours idéalement placée : après un départ moyen, la Française alterne entre la deuxième et la troisième place depuis la fin du deuxième tour, sans jamais fournir d’effort inutile.

Elle passe à l’attaque dans le sixième et avant-dernier tour, au même endroit qu’Evie Richards un peu plus tôt. A nouveau, le changement de rythme fait mal à tout le monde et elle creuse même un très léger écart, mais une petite faute dans un virage à 90° (déclipsage involontaire ?) permet à ses adversaires de revenir facilement dans sa roue. Elles ne sont plus que 5 avec elle (Indergand, Neff, Frei, Richards et McConnell) mais tout est à refaire !

Dans la plus mauvaise position (en tête à un tour de l’arrivée avec le vent qui se lève), la Française décide alors de jouer tactique et ralentit considérablement sur le plat avant l’entame de la dernière boucle. Personne ne passe et ce n’est qu’après le passage sur la ligne que tout le groupe repart en sprint pour se placer avant la bosse.

La Suissesse retente deux virages plus loin et cette fois, ça passe !

Ferrand-Prévot garde la tête dans un premier temps mais Sina Frei tente de passer par l’extérieur. Ça coince sous le petit pont, pas assez de place mais la Suissesse retente deux virages plus loin et cette fois, ça passe !

Reste une montée, une descente et du plat pour permettre à la Française de repasser devant mais Frei fait mieux que résister. La Suissesse creuse l’écart dans la fin de la montée, tandis que Ferrand-Prévot bute un peu et se fait même doubler par Evie Richards, qui a fourni un énorme effort sur toute la montée pour remonter depuis la 4e place.

Tout le monde revient roue dans roue sur le plat, on se dirige droit vers un sprint à trois. En tête, Sina Frei lance le sprint dès la sortie du dernier virage, à 75 m de la ligne. Les trois pilotes sont alignées et personne ne dépasse, ça sent bon pour la Suissesse mais dans les derniers mètres, Evie Richards se décale et jette son vélo ! Il faudra la photo finish pour départager les deux pilotes mais c’est bien Frei qui a coupé la ligne en première. Elle s’impose donc devant Evie Richards, une demi-surprise car si on l’a souvent vu à l’aise sur ce format, elle n’avait encore jamais remporté de XCC en coupe du Monde.

Pauline Ferrand-Prévot prend la troisième place, une médaille au goût amer comme elle le confie en interview d’après-course : « Troisième c’est un bon résultat mais j’en voulais plus, j’ai donné tout ce que j’avais mais ce n’était pas assez, je n’étais pas assez forte ». On rappellera à toutes fins utiles que lors de la dernière coupe du Monde à Val di Sole, en 2019, elle s’était imposée sur le XCO après une 3e place sur le XCC… Rendez-vous samedi !

La quatrième place revient finalement à Linda Indergand, tandis que Jolanda Neff se classe 5e.

[gview file= »https://www.vojomag.com/app/uploads/2021/08/XCC_WE_Analysis.pdf »]

Hommes

Chez les hommes, le déroulé de l’épreuve fut bien différent, peut-être à cause du vent qui avait encore forci et amènera au cours de la course quelques gouttes de pluie. Dans le premier tour, Sebastian Fini emmène un peloton plutôt groupé et si on en juge par l’attitude des pilotes, le rythme paraît relativement modéré.

Les relances sont appuyées mais pas suivies et chacun cherche à se placer, sans que personne ne veuille prendre les devants. Alan Hatherly profite du premier passage sur la ligne pour se positionner en tête et hausse progressivement le rythme. Un tour plus loin, ils ne sont plus que cinq en tête : Hatherly mène toujours, suivi par Henrique Avancini, Sam Gaze, Bartlomiej Wawak et Anton Cooper.

Le Sud-Africain continue sur ce tempo haché et si personne ne le montre encore, cela commence à user les organismes.

Les groupes de chasse reviennent quelques mètres plus loin mais Hatherly n’a pas dit son dernier mot et relance à nouveau. Accompagné seulement par Avancini et Gaze, il creuse même un écart de 3 ou 4 secondes mais il est trop tôt pour partir en si petit comité et tout le monde se regroupe à nouveau lors du passage sur la ligne.

Dans le 4e tour, le Sud-Africain continue sur ce tempo haché et si personne ne le montre encore, cela commence à user les organismes. Ainsi, lorsque Ondrej Cink passe pour la première fois en tête dans le tour suivant et attaque dans la montée, seul Henrique Avancini est en mesure de tenir sa roue. Sam Gaze donne tout ce qu’il peut dans la descente et sur le plat mais il voit les deux hommes s’éloigner inexorablement et doit finalement se « garer » pour laisser Christopher Blevins et Maximilian Brandl faire l’effort.

On arrive alors dans le sixième tour et il n’y a plus que 5 hommes en tête : Cink, Avancini, Blevins, Brandl et Hatherly, qui est toujours là malgré ses efforts du début de course. Tout le monde « souffle » un coup (entre guillements, parce qu’avec les relances d’Ondrej Cink dans les bosses…) et ça repart dans l’avant-dernier tour.

Henrique Avancini prend les commandes dans un premier temps mais il se fait surprendre par Maximilian Brandl, qui attaque sans vraiment en avoir l’air dans la montée du 4X. L’Allemand creuse très vite un joli écart et à l’entame du dernier tour, il compte 7 secondes d’avance sur la ligne. Suffisant pour tenir jusqu’au bout ?

Malheureusement non. La tentative était belle mais Brandl semble d’un coup payer ses efforts et ne peut rien faire face au retour du groupe dans la montée. Avancini est le premier à faire la jonction mais il se fait à nouveau surprendre, cette fois par Christopher Blevins qui se glisse dans un trou de souris et lui fait l’intérieur dans l’épingle tout en haut de la bosse.

Cependant, c’est toujours Brandl qui mène dans la descente et au début du plat qui ramène vers l’arrivée. La dernière ligne droite est courte, il reste encore un espoir pour l’Allemand de tenir jusqu’au bout !

Avancini rend la monnaie de sa pièce à Blevins et repasse en deuxième position juste avant la zone technique, qui est traversée en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire. Toutefois, l’Américain ne relâche pas son effort après la relance et part littéralement en sprint dans cette avant-dernière ligne droite !

Il passe en tête juste avant le dernier virage et négocie ce dernier bien mieux que ses concurrents. Après deux tours à fond en tête, Maximilian Brandl ne peut pas rivaliser et Henrique Avancini est trop loin, il parvient à passer l’Allemand dans les derniers mètres mais l’Américain est hors de portée. A seulement 23 ans, Christopher Blevins remporte le tout premier titre de champion du Monde Elites de XCC !

Bien qu’il soit un des meilleurs spécialistes de la discipline, Henrique Avancini doit donc se « contenter » de la deuxième place. Beau joueur, il reconnaissait la supériorité de son adversaire sur cette course et son beau sens tactique, qui lui a permis de surprendre ses adversaires à deux reprises.

Enfin, Maximilian Brandl clôt le podium. Le jeune Allemand a bien failli surprendre tout le monde avec son échappée dans l’avant-dernier tour et à voir son visage à l’arrivée, il était facile de comprendre que cette médaille de bronze le réjouissait largement.

Côté Belge, on notera l’excellente course de Jens Schuermans, qui termine 7e après une belle remontée dans le dernier tour (+ 4 places). Pas de miracles chez les Français en revanche, aucun n’est réellement reconnu comme un spécialiste de la discipline. Maxime Marotte se classe 12e et Joshua Dubau 15e.

[gview file= »https://www.vojomag.com/app/uploads/2021/08/XCC_ME_Analysis.pdf »]

ParLéo Kervran