Cape Epic : des amateurs face au défi

Par Pierre-Jean Nicot -

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Cape Epic : des amateurs face au défi

Jour après jour, il y a quelques semaines, Vojo vous a raconté le Cape Epic 2018. Alors que côté pros, la course sud-africaine défilait à des allures folles, derrière, des centaines d’amateurs déployaient aussi une immense énergie pour venir à bout du célèbre marathon VTT par étapes. Le Français Sylvain Bosc, heureux finisher aux côtés d’Alexandre Lelievre, nous raconte son expérience et sa préparation. Particularité de son aventure : elle aura servi à lever des fonds pour l’association France Alzheimer.

Photo by Andrew McFadden/Cape Epic/SPORTZPICS

Participer à cette course par étapes est une souffrance, mais avant tout un privilège car les places sont comptées. Chaque année, les déçus se comptent par centaines voire milliers… Au milieu de coureurs venus du monde entier, Sylvain est conscient d’avoir eu une « sacrée chance » de participer ! Il trouvera même le temps et l’énergie d’écrire, après chaque étape, des chroniques hilarantes sur les réseaux sociaux.

« Six jours de vrai plaisir et deux jours de souffrance« 

Sylvain, vous vous êtes inscrits sur le Cape Epic, avec Alexandre, sous les couleurs de l’association France Alzheimer. Comment est née cette idée ?

Dans les pays anglo-saxons par exemple, il est assez courant de défendre une cause lorsque l’on s’inscrit à un événement sportif. Dans mon entourage, j’ai côtoyé la maladie d’Alzheimer et pu constater ses effets. Nous avons donc décidé de courir pour cette cause et avons organisé une collecte de fonds en faveur de l’association France Alzheimer.

Une fois la décision prise… il faut s’entraîner ! Comment avez-vous abordé la préparation ?

J’ai effectué quatre mois de préparation. Avant cela, j’étais déjà en forme mais sans plus ! Je me suis dirigé vers trois types d’exercices : de la musculation des jambes et du tronc en salle, du fractionné en home trainer et du jogging. Et, bien sûr, du VTT sur de longues sorties. (ndlr : nous détaillons l’entraînement de Sylvain un peu plus bas).

Et avec tout ceci, la vie de famille n’a pas trop souffert ? 

Ma préparation a été assez rapide ! Bien sûr, il faut du temps pour les 9 à 10 séances hebdomadaires… Avoir un travail flexible m’a aidé. Et puis, je me levais tôt… à 5 heures.

Votre coéquipier avait le même profil que vous ?

Pour Alexandre, le Cape Epic, c’était plutôt un entraînement à l’Iron Man… Moi je n’ai pas le même gabarit, je suis plutôt du genre costaud, rugbyman !

Alors, le rugbyman que vous êtes est arrivé dans quelles dispositions le jour J ?

Je suis arrivé sur le Cape Epic en pleine forme ! Et plus j’ai avancé dans l’épreuve, mieux je me suis senti. J’ai bien récupéré pendant la course. Enfin, sauf les deux derniers jours : je n’avais plus rien… Bon.. J’ai 47 ans ! Les journées de 7 ou 8 heures sur le vélo, ça va une, deux ou trois fois de suite. Ensuite, la répétition finit par user ! Mais ce n’est pas infaisable. 

En quelques mots, comment résumeriez-vous votre course ?

J’ai connu six jours de vrai plaisir et deux jours de souffrance !

Au niveau technique, comment avez-vous trouvé le parcours ?

Il y a peu de passages très techniques sur le Cape Epic. Quelques fois, il a fallu descendre du vélo, mais c’était très ponctuel. En revanche, beaucoup de participants n’ont pas une culture du VTT, ce qui peut poser problème. Le terrain est tout de même très accidenté, très sec, rocailleux avec des pierres tranchantes. Il y a aussi de la poussière, du sable et on roule beaucoup entre les vignes. C’est très différent de ce qu’on trouve en France.

La mécanique peut souffrir dans cet environnement…

Oui, il faut faire attention à ne pas casser son matériel ! Nous avons eu de la chance de ce côté-là, puisque nous n’avons pas connu de galère. Nous avons juste explosé un pneu et subi de nombreuses petites crevaisons à cause des épines, mais en tubeless ce n’était pas vraiment gênant. J’ai tout de même chuté le deuxième jour et tordu un levier de frein.

Photo by Nick Muzik/Cape Epic/SPORTZPICS

Vous vous inscrirez à nouveau, un jour ? 

J’y retournerai un jour oui ! C’est une super course, très bien organisée, où l’on fait de belles rencontres avec des gens du monde entier. Côtoyer les professionnels, aussi, est une chance. Avoir Hincapie à table à côté de soi, discuter avec lui, c’est une expérience assez unique. Ca vaut le coup. L’entraînement aussi vaut le coup : on réalise qu’on est capable de faire davantage que ce que l’on imaginait. J’ai envie de continuer à faire plus de sport maintenant.

Rouler en binôme, est-ce une difficulté supplémentaire à gérer ?

Non au contraire ! En Afrique du Sud, il est très courant de rouler en duo par sécurité, car les courses se déroulent souvent dans des endroits peu accessibles. Pour moi, ça n’a que des avantages. On trouve notre rythme et cela permet de répartir le matériel et les ressources sur les deux vélos. En plus, mon coéquipier, très méthodique, m’a bien coaché sur la gestion de course.

Le dimanche, à 15h, le Cape Epic de Sylvain et de son coéquipier Alexandre se termine… Avion et retour à la maison dans la foulée ! Le lendemain matin, à 9h, Sylvain est au boulot, l’air de rien… Un peu « en décalage » quand même, avec « les jambes un peu courbaturées » !

L’entraînement spécifique de Sylvain pour le Cape Epic


Photo by Greg Beadle/Cape Epic/SPORTZPICS

Ecouter Sylvain parler de son Cape Epic a quelque chose de rassurant : oui, cette course est accessible à n’importe quel amateur un minimum en forme. Ne nous voilons pas la face pour autant : un programme d’entraînement assez rigoureux est indispensable dans les mois qui précédent l’événement. Ceci dit, nul besoin de présenter des capacités de départ hors norme ou de sacrifier sa vie de famille (notre homme a 3 enfants) pour avoir une chance d’être finisher ! Sylvain nous dévoile sa recette. Bien sûr, celle-ci n’a rien d’universel et chacun devra personnaliser son parcours pour être prêt le jour J. Elle nous donne simplement un aperçu du niveau d’engagement qu’un VTTiste « lambda » peut (doit) prévoir.

Photo by Andrew McFadden/Cape Epic/SPORTZPICS

La préparation spécifique de Sylvain a duré à peine 4 mois. Elle se composait de :

=> 3 séances hebdomadaires de fractionné sur le home trainer pour développer la FTP (Fonctionnal Threshold Power : le seuil de puissance fonctionnelle, en résumé, la puissance que l’on parvient à maintenir sur un effort d’une heure). Pour Sylvain, elle atteignait 265 watts en fin d’entraînement. On peut estimer que les top pilotes crèvent le plafond des 400W ;

=> 3 séances hebdomadaires de musculation (jambes, « core training » et bras) de 1 heure chacune ;

=> 2 séances de running hebdomadaires de 10km, « avec des côtes pour développer le cardio et la résistance du corps aux chocs« , explique Sylvain ;

=> et enfin une sortie longue en VTT (3 ou 4 heures) le week-end.

Sylvain avait la chance de bénéficier des conseils gratuits d’un coach, qui n’était autre que son vendeur de vélo et surtout multiple finisher du Cape Epic. Cet entraîneur utilisait le service Training Peaks pour évaluer les progrès réalisés après chaque séance.

Sylvain estime que les « longues heures de VTT » ne sont pas franchement productives. En revanche, « le jogging permet d’endurcir le corps, pour moi ça a fait la différence« , analyse-t-il.

Pour avoir un éclairage supplémentaire sur la préparation, découvrez ou redécouvrez le carnet d’entraînement d’Olivier Béart (oui, celui de Vojo !), auteur d’une très belle participation en 2017 aux côtés de Jeffry Goethals : https://www.vojomag.com/column/cape-epic-reve-ca-se-prepare/

Le budget pour participer au Cape Epic : à la carte !

Photo by Mark Sampson/Cape Epic/SPORTZPICS

Là encore, il est impossible d’indiquer un budget universel pour participer au Cape Epic. Selon les options choisies et la situation de chacun, le montant total peut varier… Voici, à titre indicatif, ce que Sylvain a déboursé pour sa course :

=> Droits d’entrée au Cape Epic : 2800$ (USD), ce qui correspond à l’inscription et à la logistique sur place (campement, repas, etc) ;

=> Service optionnel de mécanique : 100$ pour la semaine. Sylvain a fait le choix de ce petit supplément de confort. Chaque soir, il pouvait amener son vélo sur un stand où un mécanicien s’occupait de l’entretien courant et pouvait réparer les petits imprévus, comme le levier de frein tordu ;

=> Home trainer Wahoo Kickr et un cardiofréquencemètre : 1300€ 

=> le VTT, un Scott Spark en aluminium : 3000€

Le coût du transport est une variable à prendre en compte. Venant de Johannesburg, Sylvain a pris l’avion pour se rendre à Cape Town. Comme l’inscription au Cape Epic ne s’improvise pas, il est possible de réserver son billet d’avion très tôt et donc de bénéficier de tarifs avantageux, d’où que l’on vienne.

Enfin, les allergiques aux nuits en tente peuvent choisir de dormir en hôtel lors de la course, par exemple. On imagine bien que le coût d’une telle option fait sensiblement grimper la facture totale… Sylvain nous rappelle que dans le campement, le calme n’est pas franchement la norme et les nuits plutôt courtes… Malgré des matelas confortables dans les tentes !

Le VTT : un tout-suspendu pour assurer !

Si le mérite revient bien au pilote sur une course comme le Cape Epic, un vélo peu adapté ou peu fiable va vite gâcher l’expérience. Sylvain a profité de son inscription pour renouveler son matériel. Il a fait le choix d’un tout-suspendu (le choix de la majorité des coureurs sur le Cape Epic) : un Scott Spark en alu, en monoplateau et 12 vitesses.

« L’avantage de ce VTT est la possibilité de régler la fermeté des suspensions au guidon. Pratique pour ne pas perdre d’énergie dans les ascensions au sol régulier« , détaille Sylvain Bosc. Notre amateur a utilisé deux bidons de 1 litre (un sur le cadre, un sur la tige de selle), car une poche à eau dorsale « tient trop chaud« .

Critique, le choix des pneumatiques est à réaliser avec attention. Même chez les pros, nous avons vu énormément de crevaisons, qui se sont parfois transformées en véritable galère et ont bouleversé le classement (on pense entre autres à George Hincapie). Sylvain est parti sur des Maxxis Ardent en 2.35 et en tubeless : « Ils sont larges et très solides pour affronter les pierres tranchantes du parcours« . Rappelons que le bonhomme a un gabarit généreux. Il a bien fait de ne pas lésiner sur ce poste, car il n’aura pas connu trop de pépins de ce côté-là !

« Cet entraînement intensif en valait vraiment la peine »

Laissons à Sylvain le mot de la fin. Voici le texte qu’il a partagé sur les réseaux sociaux pour fêter sa médaille de finisher :

« En mettant 45h44mn pour parcourir les 653km et les 13 500m de dénivelé positif de l’épreuve, nous finissons 482èmes sur 680 équipes inscrites au départ. Nous accusons 20 heures de retard sur les premiers mais comptons 7 heures d’avance sur les derniers. 116 équipes ont abandonné en cours de route, victimes de chutes, délai excessif, maladies ou blessures.

Pour nous, finir est déjà une victoire et notre classement est meilleur qu’espéré. Nous avons construit des souvenirs et des expériences pour toute la vie. J’ai encore du mal à faire le tri de toutes ces sensations mais une chose est certaine : cet entraînement intensif en valait vraiment la peine« .

Le prochain Cape Epic se tiendra du 17 au 24 mars 2019 ! Le site de la course avec les résultats, le programme 2019 et toutes les infos utiles : www.cape-epic.com

Retrouvez tous nos portfolios de cette édition 2018 : Le prologue , l’étape 1, l’étape 2, l’étape 3, l’étape 4, L’étape 5,  l’étape 6, et l’étape finale : https://www.vojomag.com/cape-epic-2018-un-final-sportif/ . Vous pouvez aussi accéder à tous nos portfolios des éditions précédentes en utilisant la barre de recherche du site.

ParPierre-Jean Nicot