Bike Transalp : Montagnes russes dans un décor de rêve
Par Adrien Protano -
Des événements VTT où l’on désire se rendre chaque année, il y en a des tonnes… Pour Stijn Delagaye, notre père castor du jour, la TransAlp fait partie de cette catégorie. Cette course par étapes de 7 jours au sein des Alpes et des Dolomites se déroule chaque année au début de l’été et offre aux participants un parcours grandiose et renouvelé pour chaque édition. Cet été, Stijn se lançait dans sa troisième Bike Transalp tout en entraînant avec lui, pour la seconde fois, son beau-frère Michael dans l’aventure. Il nous raconte leur aventure d’environ 500 kilomètres et comptabilisant plus de 18 000 m de dénivelé :
L’année dernière, nous avons emprunté la route ouest, cette fois-ci nous ferons la route est. Nous commencerons par Lienz, la capitale du Tyrol oriental. Ceux qui le souhaitent peuvent réserver des nuitées dans des dortoirs ou des hôtels par l’intermédiaire de l’organisation. Dans ce cas, le transport de vos bagages est entièrement organisé. Nous avons réservé nos propres hôtels près de chaque point de départ et d’arrivée et nous avons réussi à convaincre Christophe d’être notre chauffeur privé pour la deuxième année, afin de ne pas avoir à effectuer un exténuant trajet en bus entre le point d’arrivée Riva et le point de départ Lienz pour récupérer notre voiture.
Etape 1: Lienz – Sillian (65 km, 3000 m d+)
Puisque je n’ai pas cessé de rouler au-delà de mes capacités lors de l’édition précédente, je m’étais résolu à faire quelques kilomètres supplémentaires d’entraînement en préparation de la course de cette année. J’espère que cela portera ses fruits et que tout se passera pour le mieux durant ces sept prochains jours !
Lienz, 9 heures du matin. Le soleil brille et le thermomètre affiche 20°C lorsque retentit le coup de départ de la 24e Bike Transalp. Une centaine de mètres après la ligne de départ, nous avons immédiatement droit à une montée de sept kilomètres et à plus de 10%. Comme échauffement, cela peut suffire. Nous sommes cependant récompensés par une belle descente sur des pistes aux noms retentissants comme Peter Sagan Trail et Alban Lakata Trail.
Ensuite, bien que la montée soit plus longue, nous continuons sur des routes en faible pente le long des flancs sud de la vallée en direction de Sillian. À ce stade, le mercure a largement dépassé les 35°C et nous roulons sous un soleil de plomb, sans abri possible pour se couvrir. Je supporte heureusement bien la chaleur, mais tout autour de moi, je vois un petit champ de bataille de cyclistes qui prient au bord de la route pour avoir un peu d’ombre et de fraîcheur.
À chaque petite source ou fontaine, il faut faire la queue pour faire le plein d’eau et rafraîchir un peu son corps.
À chaque source ou fontaine d’eau, il faut faire la queue pour faire le plein d’eau et se rafraîchir un peu. J’attends la deuxième recharge de la journée et vois Michael arriver en marchant, il est épuisé et souffre visiblement aussi de la chaleur. Mais la souffrance n’est pas terminée, car une ultime montée de dix kilomètres nous attend avant de pouvoir descendre vers l’arrivée où nous nous rafraîchissons sous les arbres près de la rivière.
Ainsi, cette difficile première étape se termine, et elle a mis Michael à rude épreuve. Le reste de la Transalp ne lui réussira pas non plus, nous soupçonnons que cette première journée caniculaire y soit pour quelque chose…
Etape 2: Sillian – Bruneck (72 km, 2300 m d+)
Nous ne le savions pas au départ, mais après coup, il s’est avéré qu’une étape à la fois magnifique et tragique nous attendait aujourd’hui. Heureusement, il fait un peu plus frais qu’hier avec des températures entre 20 et 30°C. Au sein de ce peloton de 550 coureurs venus des quatre coins du monde, la majorité est ravie de ces températures (un peu) plus clémentes. L’itinéraire continue à travers la même vallée qu’hier vers Bruneck. Les 45 premiers kilomètres se font sur un terrain vallonné, mais au vu de la région et de son dénivelé impressionnant, on pourrait presque qualifier de plate cette section du parcours.
La partie finale, par contre, est une autre paire de manches. Le parcours nous emmène sur les hauteurs du Kronplatz. Et je m’en réjouis, car après tout, il s’agit d’un nom qui résonne dans les Dolomites. Pendant 13 kilomètres, nous grimpons au sommet de la montagne. Comme si cette montée en elle-même n’était pas assez difficile, les organisateurs nous avaient prévenus à l’avance que, lors de cette montée finale du Kronplatz, nous pourrions également avoir à faire face à la pluie et aux orages.
Nous pouvons apercevoir les nuages noirs avant même de commencer la véritable ascension. La pluie ne tardera pas à tomber de ces nuages sombres et à mi-chemin de la montée, le tonnerre se fait entendre. Heureusement, j’ai mon k-way avec moi. Au sommet, nous sommes accueillis par l’organisation qui nous dit qu’il est trop dangereux de poursuivre et que la course est neutralisée. Le chrono est arrêté au deuxième point de ravitaillement de la journée, que nous avions déjà dépassé.
Certains prennent le télésiège pour redescendre, tandis que d’autres préfèrent la piste la plus facile pour rejoindre la vallée. Je décide de suivre la piste, car je ne veux manquer pour rien au monde le spectaculaire singletrack de 10 kilomètres. Probablement à cause du froid et de l’humidité, celle-ci semble prendre une éternité. À Bruneck, l’arrivée semble enveloppée d’or, tous les coureurs ayant des couvertures de survie autour de leurs corps frissonnants. Je me réchauffe avec des mains tremblantes autour d’une tasse de thé chaud. Maintenant, direction la douche bien chaude !
Etape 3: Bruneck – St. Vigil (37 km, 1900 m d+)
Sur le papier, la troisième étape est courte, mais elle comporte beaucoup de dénivelé. Ce n’est certainement pas un obstacle insurmontable après la canicule de la première étape et la pluie torrentielle de la seconde journée. La pluie a maintenant disparu et le soleil est déjà de retour dans le ciel. Au programme : une deuxième ascension de la Kronplatz. Finalement, les jambes tournent bien et la superbe montée passe comme une lettre à la poste pour ma part.
Je roule à mon propre rythme et, en chemin, je profite de la compagnie d’un joyeux groupe de Hollandais. Michael arrive au sommet un peu moins de 10 minutes plus tard. Nous prenons le temps de nous ravitailler brièvement auprès de la cloche de la paix de Concordia, une œuvre d’art située au sommet de la Kronplatz, et bien sûr de profiter un peu tout en prenant des photos de la superbe vue à 360°.
Nous n’avons malheureusement pas le temps de visiter le musée de la légende de la montagne Reinhold Messner et le traditionnel musée Lumen de la photographie de montagne, situé au sommet de la Kronplatz. Nous empruntons le fantastique sentier Gassle et descendons par de nombreux virages le long du flanc oriental de la montagne vers Casola-Gassl.
Là, nous devons encore surmonter une vicieuse montée de quatre kilomètres jusqu’au Furkelpass, avant de descendre rapidement sur des chemins forestiers plus larges jusqu’à l’arrivée à St Vigil. Comme il s’agit d’une étape plus courte, nous arrivons un peu plus tôt que les autres jours et pouvons profiter davantage du village.
Etape 4: St. Vigil – Kaltern (109 km, 2900 m d+)
Qui dit étape longue, dit également démarrer une heure plus tôt – à 8 heures au lieu de 9 heures plus précisément – et pourtant la matinée me semble être passée en un clin d’œil. Un parcours en trois parties nous attend. Les 60 premiers kilomètres sont chronométrés, il y a ensuite un tronçon neutralisé de 35 kilomètres et finalement un second tronçon chronométré de 14 kilomètres.
La journée commence solidement avec une montée de 15 kilomètres à 10%. Des descentes et des montées techniques alternent ensuite le long des frontières du parc naturel de Puez-Geisler, une partie des Dolomites qui fait également partie des sites du patrimoine mondial de l’UNESCO. Pendant soixante ( !) kilomètres, nous avons droit à de magnifiques vues sur les formations rocheuses typiques de la région. Voilà pourquoi j’aime tant faire la Bike Transalp ! Parmi ces immenses montagnes, on se sent tout petit !
La descente se poursuit progressivement et les températures remontent à 35°C. Nous entrons dans la vallée où s’écoule la rivière Isarco, qui prend sa source au col du Brenner. Le long de la rivière, nous traversons la ville de Bolzano. C’est aussi la raison pour laquelle ce segment est neutralisé. Nous traversons la ville et cela nécessiterait alors pour les organisateurs d’interrompre le trafic. Et franchement, pour notre propre sécurité, c’est mieux aussi.
Le chronomètre se remet en marche lorsque nous quittons la ville. Nous traversons les vignobles très chauds et typiques avec quelques montées plus difficiles. J’entends Michael dans le fond qui peste de nouveau contre cette chaleur. Je dois avouer que je n’ai pas vraiment compris les déviations via Bolzano/Kaltern quand on sait que le lendemain on roule à nouveau vers les Dolomites.
Etape 5: Kaltern – San Martino (93 km, 2400 m d+)
Le profil de cette cinquième étape en dit long, un parcours éprouvant nous attend. Les 17 premiers kilomètres sont neutralisés et nous roulons en groupe de Kaltern, à travers la vallée chaude, en passant par les nombreux vergers de pommiers et les vignobles vers Cavalese, pour revenir dans les Dolomites plus fraîches et accidentées.
Entre-temps, nous avons déjà commencé l’ascension de la journée. En réalité, elle s’étend sur 70 kilomètres et compte plus de 2 000 m de dénivelé ! Le départ est plaisant avec une montée progressive sur une ancienne voie ferrée parsemée de petits tunnels. Nous passons Predazzo et bifurquons vers les forêts de Paneveggio, où l’on trouve apparemment le bois parfait pour fabriquer les meilleurs violons du monde.
Nous traversons ensuite le Parco Val Venegia où la véritable ascension commence et nous nous retrouvons au milieu du parc, parmi ces impressionnantes formations rocheuses et leurs pointes acérées caractéristiques (les « Pale « ) qui surplombent un grand amphithéâtre rocheux dans lequel le flanc nord du Pale di San Martino s’élève au-dessus de la vallée.
Cette image d’une beauté parfois surnaturelle suscite un engouement sans précédent chez de nombreux randonneurs et vététistes.
Cette image d’une beauté parfois surnaturelle suscite un engouement sans précédent chez de nombreux randonneurs et vététistes. Les pierres sous les pneus deviennent aussi de plus en plus grosses. Les derniers kilomètres zigzaguent à travers les nombreux virages en épingle jusqu’au Passo Rolle où nous passons devant la porte du refuge Baita Segantini. Les nuages arrivent cependant, et nous descendons rapidement les 10 derniers kilomètres vers le pittoresque San Martino di Castrozza.
Nous sommes arrivés juste à temps. Le ciel bleu redevient noir de nuages, d’où jaillit un violent orage accompagné de pluie et de grêle. Je ne me sens pas très bien, et je me réchauffe avec un chocolat chaud. J’ai un peu froid, probablement à cause de l’averse sur la Kronplatz. Je me rends rapidement à l’hôtel pour prendre une douche chaude et m’endormir comme une bûche. Après une « sieste » de quelques heures, nous rejoignons la pasta party. Les nuages orageux ont disparu, le soleil revient et l’asphalte du village est fumant sous la chaleur des derniers rayons de soleil de la journée. Comment le temps peut-il se transformer si rapidement dans les montagnes ?
Etape 6: San Martino – Lavarone (117 km, 3000 m d+)
L’étape de la reine ! Nous roulons plus au sud, les Dolomites accidentées laissant place à de vastes paysages. Les 15 premiers kilomètres sont encore vallonnés à une altitude de 1 500 mètres. Le chemin qui se déroule devant nos roues présente des pierres plus piégeuses encore que sur les pires sections pavées de Paris-Roubaix. Le slogan est sans aucun doute : « Reste concentré« .
La descente nous mène au Canal San Bovo. Dans la vallée, il y a beaucoup de vent de face. Je me laisse un peu distraire et je me retrouve seul, Michael ayant pris du retard. Bravant le vent, je roule jusqu’au ravitaillement. Michael nous rejoint un peu plus tard.
L’ascension suivante nous emmène sur un chemin agréable et pas trop raide, jusqu’au beau Passo Cinque Croci, à 2000 mètres d’altitude. Des dizaines de chevaux Haflinger nous attendent. Une descente très longue et très rapide nous ramène dans la vallée parmi les vergers et les vignes familiers où la température remonte doucement au-dessus de 30°C.
S’ensuit un faux plat avec à nouveau du vent de face jusqu’au pied de la montée finale vers Lavarone. La montée raide se fait sous un soleil de plomb, et une fois au sommet, la musique entraînante de Burn Baby Burn résonne des fenêtres d’une voiture garée. Les derniers kilomètres se font sur des chemins de gravier et des sentiers plus techniques avec de petites montées et descentes jusqu’à l’arrivée dans le village rose du Giro, Lavarone.
Etape 7: Lavarone – Riva del Garda (79 km, 2100 m d+)
La dernière étape nous a non seulement conduits à la destination finale tant attendue, mais aussi à un morceau d’histoire. En fait, je me souviens de cette étape lors de ma participation en 2017. Au moment de la Première Guerre mondiale, il y a plus de cent ans, les plateaux de Folgaria, Luserna et Lavarone ont fait l’objet de durs combats et des forts ont également été construits. C’est le long de ces forts que nous allons rouler aujourd’hui.
De Carbonare à Serrada, 1000 mètres d’altitude sont rapidement franchis par d’anciennes routes militaires. Michael se laisse rapidement distancer. La visite de l’histoire militaire se termine par un sentier techniquement difficile et une descente raide sur des chemins forestiers et des pistes de charrette dans la vallée de l’Adige. Une descente avec pas moins de 1 000 m de dénivelé négatif.
S’ensuivent plusieurs kilomètres sur la piste cyclable vers Rovereto où je prends la tête avec des dizaines de coureurs » fatigués » dans ma roue.
S’ensuivent plusieurs kilomètres sur la piste cyclable vers Rovereto où je prends la tête avec des dizaines de coureurs » fatigués » dans ma roue. J’apprécie le moment, l’arrivée est proche. À Rovereto, la montée de 7 kilomètres vers le col du Monte Faé débute. Elle n’est pas seulement vicieuse en raison de ses dénivelés (17-20%), il n’y a pas non plus un brin d’ombre à ses abords. Michael subit une dernière fois la chaleur et arrive au sommet en marchant. Mais l’arrivée est en vue et il donne son maximum.
Un peu plus loin, le chronométrage s’arrête définitivement. Lors de la toute dernière descente, nous avons droit à une vue magnifique sur le lac de Garde. Nous sommes à nouveau heureux et fiers d’avoir pu terminer cette magnifique journée de VTT en un seul morceau. Le résultat est quelque chose dont nous ne nous soucions pas vraiment, mais il semblerait que nous puissions être un peu moins bien classés qu’en 2021. Nous avons terminé à la 31e place parmi les Masters après 40 heures et 4 minutes. Cette Transalp était ma neuvième épreuve de VTT sur plusieurs jours, et à l’arrivée, je me mets immédiatement à rêver du numéro 10. Est-ce que cela sera un autre Transalp …
Si vous voulez participer : en 2023, la Bike Transalp aura lieu du 9 au 15 juillet et suivra en grande partie le parcours de 2021.
Pour plus d’informations et concernant les inscriptions : https://bike-transalp.de/en/
Texte : Stijn Delagaye
Crédit photo : Markus Greber / Bike Transalp