Aventure | Paris-Chamonix en gravel Bergamont Grandurance 8
Par Paul Humbert -
Quelle idée ! Quand nous avons laissé le gravel Bergamont Grandurance à Julien pour son projet « tout-terrain », nous n’avions aucune idée que c’est une traversée Paris-Chamonix, chargé et à une main, qui attendait ce vélo de test. Il nous raconte les coulisses d’un projet vidéo tourné… à vélo :
Vous avez parfois vu sa tête sur Vojo, mais c’est surtout ses images que vous connaissez. Julien est un des « Monsieur vidéo » de notre média. Bien plus qu’un simple vidéaste, c’est un touche-à-tout curieux qui est prêt à grimper sur n’importe quel vélo. Cette fois-ci, Julien a pu tracer un trait d’union entre deux sports qu’il affectionne : le vélo et l’escalade. Dans le cadre du projet vidéo “Tandem” , il lui fallait une machine prête à l’accompagner.
C’est sur un gravel qu’il a jeté son dévolu : un Bergamont Grandurance 8 à 1999 €. Bergamont est une marque de vélos allemande qui vit au cœur du groupe Scott depuis quelques années. Chez Scott, on connaît l’Addict Gravel, un vélo de gravel « performance » à l’ADN sportif. Pour le défi qui attendait Julien, il lui fallait un vélo plus « passe-partout » et moins exigeant.
Le défi ? Tourner un film d’escalade, filmer à vélo et traverser une bonne partie de la France avec tout son matériel embarqué. Le “pitch” du film ? Suivre les grimpeux Hugo Parmentier et Tess Rougemont dans un enchaînement de trois voies d’escalade à Fontainebleau en région parisienne, dans le Saussois en Bourgogne et sur les hauteurs de Chamonix, juste au pied du mont Blanc. Toutes les étapes entre ces “spots” sont parcourues à vélo. Le reste, c’est lui qui le raconte :
“ Pour définir le tracé de cette aventure, on s’est inspiré de l’exploit unique réalisé par Alain Ghersen, un grimpeur et alpiniste de légende. D’une même foulée, il enchaîna, en moins de quarante heures et pied au plancher dans son Alfa Roméo, les ascensions d’un bloc difficile en forêt de Fontainebleau, d’une voie pas beaucoup plus facile sur la falaise historique du Saussois en Bourgogne, puis pour finir une ascension rocheuse en solitaire pour atteindre le sommet du mont Blanc. En découvrant ce défi hors normes, notre duo de grimpeurs, Tess et Hugo, s’est mis en tête de réinterpréter cette aventure, mais pas n’importe comment… Ils troqueront l’Alfa Roméo (plus vraiment dans l’ère du temps) pour un vélo tandem, qu’il nommeront… Roméo.
En août dernier, ils se sont lancés dans l’inconnu sur leur monture pour pédaler sur les 600 km qui les séparent de Chamonix, sans expérience aucune du vélo…Nous, Etienne (co-réalisateur), Clément (ingénieur son), et moi, les avons suivis pendant les deux semaines qu’aura duré leur aventure, coup de pédale après coup de pédale…
Le vélo Bergamont que j’ai découvert quelques jours à peine avant de partir est en aluminium, avec une fourche en carbone. Ce qui a surtout attiré mon attention, ce sont les nombreux points de fixation pour des sacoches, puis le groupe. On va devoir emporter toutes nos affaires personnelles, des affaires de bivouac, et tout mon matériel vidéo. Habituellement j’ai un sac de plus de 15 kilos sur le dos, mais cette fois-ci, ça ne sera pas possible. C’est donc un bon point de savoir qu’il est possible de fixer des accessoires sur la fourche des deux côtés, sur et sous le cadre, et à l’arrière du vélo.
Le Grandurance 8 est équipé d’un mono-plateau. J’ai l’habitude de rouler comme ça sur d’autres gravel ou en VTT, mais cette fois-ci je m’interroge sur la polyvalence du vélo une fois chargé. Est-ce que ce sera suffisant dans les montées les plus raides ? Et sur le plat, est-ce que je ne vais pas manquer de dents ?
Partir en bikepacking demande un peu d’organisation et d’équipement pour parvenir à allier confort et légèreté. Dans le cas de Roméo et de nos montures personnelles, on était loin d’un voyage light… Habitué à voyager avec une simple sacoche de selle et de cadre, je me retrouve à emporter deux sacoches énormes sur mon porte bagage-arrière. En plus de nos affaires de bivouac, nous avions le matériel vidéo et son à emporter, avec son lots de batteries en tout genre… Bref, on ne partait pas léger.
L’enjeu principal était d’avoir accès au matériel de tournage très rapidement, tout étant assez confortable pour pédaler durant de longues journées. J’avais donc mes affaires de voyage réparties au fond des deux sacoches arrière, et, posés sur le dessus, la caméra à gauche, le drone et les batteries à droite, et enfin le trépied sanglé sur la partie centrale du porte-bagage.
Sur le vélo, j’ai apprécié retrouver des pneus de 45 mm de large. C’est polyvalent et rassurant quand on ne sait pas ce qui nous attend comme terrain.
J’avais déjà réalisé des voyages en itinérance à vélo, mais jamais à ce rythme-là. L’envie d’aller vite et d’avaler les kilomètres s’est vite dissipée, pour adopter la cadence plus lente de ce tandem (et ses 35 kg de chargement…). Plus lente, mais pas moins physique. Car pour capter les meilleurs moments du trip, nous devions constamment prendre de l’avance sur eux, poser le vélo, sortir le matériel, cadrer, attendre leur passage, remballer en vitesse, puis les rattraper, tout cela en étant synchronisé avec Clément et sa prise de son. Il a fallu trouver nos réflexes et notre façon de fonctionner, et physiquement tenir le coup de ce rythme fractionné toute la journée.
À chaque coup de pédale, un regard émerveillé sur le paysage. Nos montures ne bronchent pas malgré leur chargement peu conventionnel. On comptera une seule crevaison durant l’expédition. Un miracle.
On filme et on mouline. Le soir venu, une chose est sûre, on dort. Le Bergamont, lui, ne bronche pas, après s’être habitué aux lourdes sacoches les journées s’enchaînent sans soucis. Confortable pour pédaler et sécurisant dans les descentes malgré le poids du chargement, ce vélo s’est révélé idéal pour ce voyage. Dans les parties plus typées « gravel », il a su rester très stable. Evidemment, nous ne roulions pas très vite et les sacoches à l’arrière modifiaient l’équilibre du vélo, mais malgré ça, je me suis senti bien en confiance à son guidon à chaque moment de ce voyage.
Un autre point qui m’aura marqué, c’est le confort du poste de pilotage. Ça peut paraître anecdotique pour des sorties de quelques heures, mais ici, après des dizaines d’heures en selle, le confort de la guidoline et la forme des cocottes ont épargné mes mains. Même constat pour la selle. Je sais qu’à la rédaction, la Syncros Tofino n’a pas que des adeptes, mais elle a su m’épargner (dans la mesure du possible).
Notre caravane ne passait pas inaperçue dans les villages que nous traversions. Les regards étaient d’abord surpris, puis curieux, et la conversation s’entame rapidement autour du pourquoi et du comment de ce voyage. En partant, nous avions une idée plus ou moins précise de ce à quoi devait ressembler ce film, mais les surprises que nous a offert la route ont constamment remodelé cette vision. Durant les longues heures de pédalage en ligne droite, là où les idées divaguent, on réfléchit au film, à ce que l’on pourrait filmer dans ce prochain village, sur ce prochain virage, pendant ce prochain bivouac… Cette constante improvisation a été un des grands souvenirs de ce voyage.
Le paysage est souvent magnifique, les routes s’offrent à nous, il n’y a personne. Nous sommes tous bien en phase avec nos vélos. Mention spéciale pour Clément et son système de prise de son à vélo, qui, malgré ses câbles dans tous les sens, arrive à pédaler et brandir son micro à la moindre opportunité. La trace nous emmène parfois dans des chemins peu adaptés au tandem, là où le gravel m’a sauvé de longues sections de poussage de vélo… Le choix d’avoir des pneus plus larges que sur un vélo de route s’est révélé idéal pour les différents chemins de halage, indissociables de nombreuses voies vertes en France.
Je sais qu’il est compliqué de faire des généralités, mais j’ai trouvé le cadre du vélo assez tolérant, mais j’imagine que c’est lié également au train roulant. Le vélo absorbe bien les petits chocs et je réalise que ce n’était pas le cas pour tout le monde autour de moi.
Soleil levant sur les sommets du Jura qui se dessinent au loin, café lyophilisé et yeux un peu collés. Pour bien démarrer la journée, lente remontée vers les vallées alpines. La montagne se rapproche. La pluie s’abat sur nous. Les voitures nous frôlent sur la nationale, il fait froid, Bob la remorque glisse dans les descentes sur le bitume trempé… On débranche le cerveau, et on pédale sans s’arrêter, jusqu’à la prochaine boulangerie ouverte, jusqu’à ce que la pluie nous laisse tranquilles. Soudain, les nuages se dispersent, et le lac Léman se dessine au loin ! Chamonix se rapproche à grands pas… Nous ferons un court passage par Genève, où Roméo ne passe pas inaperçu… Le soir, en guise de dernier bivouac sur la route, alors que la pluie se remet à tomber, on se dégote une superbe pelouse d’aire de pique-nique le long de l’autoroute, où l’on s’endormira sans broncher, bercés par le passage discret des 33 tonnes…
Pour les vélos, j’avais uniquement emporté une petite burette d’huile. Mes craintes liées à la transmission Shimano GRX Mono plateau se sont évaporées. Si on ne fait pas la course, ça m’a permis de faire face aux grands bouts de plat comme aux montées les plus raides de la fin du parcours.
Départ à l’aurore en ce dernier matin d’aventure. L’objectif ? Partir tôt, pour prendre un petit déjeuner digne de ce nom et arriver à Chamonix avant la nuit. Le soleil nous accueille alors que les esprits sont encore endormis. Tout le monde est silencieux, comme bercé par ce rythme du voyage qui s’est si rapidement installé. Nos corps, fatigués, sont impatients d’arriver, mais une part de nous aimerait continuer de pédaler encore longtemps. On est pas pressés, seulement 70 km nous séparent de Chamonix.
Au détour d’une montagne, c’est le mont Blanc qui se dévoile enfin. Les bancs de nuages ne laissent dépasser que sa cime, mais cette vision fugace donne tout son sens à ces huit jours de voyage. Nous attaquons la dernière côte de cette épopée, et pas des moindres. 600 m de dénivelé nous séparent de la capitale de l’alpinisme. Mais malgré la fatigue, Tess et Hugo semblent avoir définitivement dompté leur monture. Leurs coups de pédale sont parfaitement synchronisés, les grincements insupportables de leur remorque ne les atteignent plus. Ils semblent bien, sur leur tandem. De notre côté, filmer et prendre le son est devenu naturel. Clément dégaine son micro plus vite que son ombre, et j’ai ma caméra toujours au plus proche de l’équipage de Roméo. Après avoir absorbé la dernière montée, nous nous laissons glisser vers Chamonix.
Les aiguilles acérées se dévoilent, magnifiées par la lumière du soleil couchant. Tess et Hugo fendent la foule de touristes massés dans les rues du centre-ville, puis, c’est le dernier coup de pédale. On a mal aux jambes, on ne supporte plus les cuissards, une douche ne ferait pas de mal, mais malgré tout, Roméo va nous manquer.
On trinque à cette épopée. Demain, l’autre aventure commence. On troquera nos vélos pour nos crampons et baudriers, tout là-haut. Mais ça, c’est une autre histoire…
Aujourd’hui, le film est en cours de montage pour une diffusion dans les festivals de films d’aventure avant d’être dévoilé au grand public. Le Grandurance a continué de rouler avec moi, débarrassé de ses sacoches et caméras. Le vernis de quelques endroits où les sacoches étaient fixées s’est légèrement matifié, mais le vélo n’a pas gardé d’autres stigmates (qu’on peut éviter en protégeant les cadres avec des solutions proposées par des marques comme Slicy, Ridewrap, Invisiframe, Clearprotect…). Cols sur route, longs chemins gravel, j’ai roulé sur tout type de terrain à son guidon pendant les semaines qui ont suivi notre aventure. Allégé de tout le barda du voyage, le cadre est logiquement plus dynamique, sans pour autant devenir un gravel “race” dans les changements de rythme.
Au niveau de la position, le Grandurance est resté confortable, même si le cadre en taille L s’est révélé avec le temps légèrement petit pour ma taille (1m89). Le passage interne des câbles à l’avant du guidon, le large triangle avant, ainsi que la possibilité de fixer un porte bagage-arrière comme j’ai pu le faire pendant ce voyage en font un vrai vélo à tout faire, confortable et plaisant à rouler sur tout type de terrain.
C’est dans cette seconde partie de ma découverte que j’ai le mieux “senti” la géométrie qui se révèle assez passe-partout, qui ne nous laisse pas trop “droit” dans les descentes de montagne et avec laquelle on conserve du confort. Je n’ai jamais eu l’intention de battre des records de vitesse à son guidon, et je doute qu’il soit conçu pour ça, mais pour ceux qui veulent rouler loin, et longtemps, le Grandurance me paraît être un bon compagnon. »
Plus d’infos sur le site de la marque : www.bergamont.com/bergamont-bikes-gravel-grandurance
Texte : Julien Bevillard / Paul Humbert.