Visite | Sabma : il y a 25 ans, tout commençait à l’arrière d’une camionnette…

Par Olivier Béart -

  • Tech

Visite | Sabma : il y a 25 ans, tout commençait à l’arrière d’une camionnette…

Sabma, distributeur notamment de Fox dans le Benelux et de marques comme NoTubes ou IRC sur des territoires beaucoup plus larges, fête cette année ses 25 ans. L’occasion pour nous d’aller rendre une petite visite à cette entreprise familiale, et de discuter avec Mario Willems, l’homme discret par qui tout a commencé à l’arrière d’une camionnette en vendant des VTT et en commençant à réparer les premières suspensions…

7000 réparations par an, 17 employés, près d’une dizaine de marques (Fox, RSP, NoTubes, IRC, C-Bear, PTN,…) distribuées sur le Benelux, la France et même l’Europe pour certains : on est loin de la bricole des débuts. Contrairement à quelques grandes aventures bien connues, tout n’a pas ici commencé dans un garage, mais à l’arrière d’un Sprinter aménagé avec soin et peint aux couleurs du drapeau américain. « On ne pouvait pas le louper, ça en jetait », se souvient Mario. « Ma soeur avait une société de transport, qui convoyait les vélos de la marque suisse Cilo. Elle avait entendu que le représentant, assez âgé, voulait arrêter. Vu que j’aimais le vélo et le triathlon (que j’ai pratiqués pour le plaisir, mais sans aucun niveau), j’ai repris l’affaire. C’est ainsi que Sabma a démarré… mais le succès a été très mitigé », s’amuse-t-il aujourd’hui.

Tiens, Sabma… D’où vient le nom de cette entreprise située à Eupen, dans l’Est de la Belgique ? Tout simplement de SABine et MArio, le patron et son épouse. Nous sommes en 1993/94 et, après ce départ en mode mineur, l’activité démarre vraiment avec l’arrivée de l’opportunité de devenir distributeur d’une autre marque de vélos, bien plus accessible et populaire : KHS. « On avait de beaux fulls-suspendus, parmi les premiers ! On avait même monté un team, qui a eu quelques beaux petits succès avec David Galle… mais toutes les suspensions cassaient dans les 3 semaines à 3 mois. Et il n’y avait personne pour les réparer. »

Comme on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même dans ce genre de cas, Mario a décidé de se former. « A force d’écrire aux USA, à Taiwan et un peu partout, je suis tombé sur Mathias Bauer, le patron de Toxoholics en Allemagne. Il faisait ShockWorx à l’époque et il est toujours aujourd’hui distributeur Fox en Allemagne et c’est lui qui m’a appris à réparer les suspensions. »

« A l’époque, pas mal de revendeurs m’ont demandé de m’occuper des suspensions pour eux… j’étais un peu leur seul espoir. »

« Très vite, comme j’étais un des seuls à m’en sortir avec les premières fourches et les amortisseurs, pas mal de revendeurs m’ont demandé d’assurer ce service pour eux. J’étais un peu leur seul espoir dans beaucoup de cas », rigole-t-il, tout en ajoutant : « En fait, je ne savais pas tout réparer, mais j’essayais toujours et très souvent j’y arrivais. Puis, en contactant les firmes pour avoir des pièces, plusieurs m’ont proposé de devenir leur distributeur. ShockWorx, Stratos, Romic, Cane Creek, 5th Element, XFusion, Noleen : j’en ai fait un paquet. »

L’entretien et la réparation de suspensions est encore et toujours une des principales activités de Sabma. Mais aujourd’hui, il ne reste qu’une marque, celle par qui tout a changé et qui a donné la première véritable impulsion à l’activité : Fox. « Aujourd’hui, le nombre de références a explosé. Là où on avait 6 ou 7 modèles de suspensions en stock il y a 15 ans, on en a aujourd’hui 60 ou 70 en comptant toutes les options. Gérer cela pour plusieurs marques serait impossible et surtout, le volume d’activité chez Fox a explosé depuis 2003 et le lancement des fourches. »

Si les ventes sont assez stables, l’activité de service, elle, a explosé, passant d’environ 3000 opérations par an à plus de 7000 aujourd’hui. Et la durée d’intervention a augmenté aussi. « Globalement, les suspensions sont beaucoup plus fiables aujourd’hui, mais les technologies sont aussi infiniment plus complexes que par le passé. »

En fin observateur, connaissant également très bien le milieu des sports mécaniques (Sabma s’occupe aussi de la partie « Powersport » de Fox dans le Benelux), Mario s’amuse des comparaisons que certains font parfois entre la moto et le vélo.

« Une fourche de vélo est infiniment plus complexe que celle d’une moto »

« J’entends souvent des gens dire que ce n’est pas normal qu’une suspension vélo coûte plus cher que celle d’une moto, que les cyclistes se font arnaquer, etc. Mais une fourche de vélo est nettement plus complexe. Une même suspension doit pouvoir convenir à des pilotes de poids et de morphologie très différents. Sur une moto de 130kg, que le pilote fasse 60 ou 80kg n’a pas une aussi grande influence que sur un vélo de 12kg. Il y a le pédalage aussi, qui est très complexe à gérer. Puis le poids et la compacité qui imposent de tout miniaturiser dans une fourche de vélo. C’est d’ailleurs cela qui fait la force de Fox en Powersport : leur expérience dans le vélo sert énormément la division motorisée. Bien plus que l’inverse. Ce n’est donc pas parce que c’est plus gros et qu’il y a un moteur que c’est plus complexe, loin de là. »

De père en fils

Conséquence de cette complexité de plus en plus grande des suspensions, là où on faisait un amortisseur en 30 minutes avant, il faut aujourd’hui 1h30. A l’intérieur d’une fourche, le nombre de pièces a été multiplié par 2 ou 3. Il faut donc aussi du monde pour effectuer ces réparations et il y a 7 personnes à l’atelier. « On ne trouve jamais de spécialistes des suspensions sur le marché de l’emploi, il faut les former et cela prend du temps. On compte environ 2 ans. On a eu de gros soucis en 2014/2015, je ne le nie pas. On a eu des départs volontaires, on a dû licencier, mais aujourd’hui l’atelier est bien restructuré et on tient des délais moyens de 3 jours pour un service suspension. »

Parmi eux, on ne retrouve pas les enfants de Mario, encore trop jeunes, mais le « rookie » de l’équipe n’est autre que Robin Cornélis, le fils d’un des premiers employés de l’entreprise, qui prend ici la même pose que son père à l’époque dans l’atelier. Tout un symbole. « Trouver de jeunes talents n’est pas simple, déplore Mario. Il faut aimer la fine mécanique, c’est la base, mais aussi parler néerlandais (comme la majorité de nos clients) et/ou anglais-allemand. Puis surtout savoir écouter et comprendre ce que les clients demandent, leurs souhaits, leurs problèmes. Les clients sont aussi de plus en plus pointus, c’est très bien, mais il faut pouvoir les accompagner. »

Une histoire de flair

Au-delà de son activité de service pour les suspensions Fox, Sabma c’est aussi la distribution d’une dizaine de marques. Fox, bien sûr, mais également les lubrifiants RSP (depuis 20 ans, comme les plaquettes EBC), les roues NoTubes (un des plus gros volumes de vente) ou encore les pneus IRC pour lesquels Sabma assure la représentation non pas juste pour le Benelux et/ou la France mais pour toute l’Europe.

Pour pas mal de produits, l’entreprise a eu le nez fin. « On n’a pas fait que des bons choix et on a eu des revers. C’est normal quand on prend des risques avec des marques ou des produits différents. J’ai cru aux suspensions quand tout le monde était encore en tout rigide, au tubeless ready de NoTubes quand beaucoup roulaient encore en chambres, etc. On me dit souvent que je suis fou, mais justement, quand on me dit cela, c’est un indice qui me porte à croire que je suis sur un bon coup. Et sans cela, Sabma n’en serait pas là aujourd’hui, avec un CA multiplié par 3 ces dernières années, malgré la fameuse concurrence d’Internet dont on parle beaucoup. » L’exemple de NoTubes est emblématique à ce niveau.

« A l’époque, le tubeless ne se développait pas vraiment car quelques marques avaient cadenassé le marché avec l’UST. NoTubes a jeté un fameux coup de pied dans la fourmilière avec des jantes au design novateur, beaucoup plus légères que les autres avec leur concept tubeless ready, et aussi le fameux latex qui a aidé à réduire drastiquement le nombre de crevaisons qu’on rencontre aujourd’hui à VTT. On y a cru très tôt, et aujourd’hui nous sommes le plus gros distributeur NoTubes au monde avec le Benelux, la France et les Pays Scandinaves. »

Depuis peu, il y a aussi les vélos DeVinci. « Mais c’est une structure séparée, Reflexit, dans laquelle il y a aussi les casques KED. Leur plus gros client, les magasins Catus, est au Luxembourg et voulait travailler uniquement avec un distributeur luxembourgeois. Nous avons donc créé cette deuxième société, dont l’activité a été complétée par DeVinci. Les Canadiens cherchaient un distributeur et nos commerciaux insistaient pour qu’on ait une belle marque de vélos au catalogue. On était faits pour s’entendre.

Demain, le service pour vélos électriques

Sans arrêt, il faut rester attentif et se renouveler. Voilà pourquoi, quand on lui demande à quel type d’activité il pense pour le développement futur de Sabma, Mario répond immédiatement en parlant de vélos électriques. Mais pas au niveau de la vente. C’est le savoir-faire de l’entreprise au niveau du service qui va se développer de ce coté. « Il y a une explosion du nombre de vélos électriques vendus. Et je ne parle pas tant des loisirs que des vélos utilitaires, comme solution de mobilité. Mais comme le marché est en plein boom, beaucoup d’acteurs se concentrent uniquement sur la vente et pas du tout sur l’entretien et le service. Or, un moteur, c’est un ensemble complexe qui a aussi besoin d’entretien, et une batterie, ça s’use. »

Sabma travaille donc à la mise en place d’un service de maintenance et de remplacement des cellules des batteries de vélos électriques. « Le but est de pouvoir remplacer les cellules d’une batterie existante pour les remettre à neuf, voire les upgrader avec de nouvelles plus performantes. C’est de l’électronique fine et cela ne se fait pas sans un certain nombre de compétences. Mais ça rentre vraiment dans notre philosophie de « problem solver » et d’être aux côtés des cyclistes ou des magasins pour les aider dans un certain nombre de domaines. Pour cela, notre proximité avec l’Allemagne et la « Silicon Valley germanique » d’Aix-la-Chapelle, à 15min d’ici, est importante, et va nous aider à mener à bien ce grand projet en 2018. » C’est tout le mal qu’on leur souhaite.

Plus d’infos : www.sabma.com

 

ParOlivier Béart