Orbea : le magicien d’Oiz

Par Olivier Béart -

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Orbea : le magicien d’Oiz

Champion du Monde de XC aux mains de Catharine Pendrel cette année, le nouvel Orbea Oiz écrit les premières lignes de son palmarès dès sa sortie. VojoMag l’a fait sortir des circuits pour le confronter à la dure réalité des sentiers lors d’un test grandeur nature.

Oui, deux tailles de roues sont désormais au programme: 27,5 » en S, M et L et 29 » en M, L et XL. De quoi pouvoir choisir selon sa morphologie, mais aussi ses goûts. Pour notre part, nous avons porté notre choix sur le modèle 29 » car ce format de roues correspond au choix de la majorité des crosseurs et marathoniens dans nos contrées et car notre taille et celle des pilotes de notre « testing team » tourne entre 178 et 185cm. D’expérience, nous savons également que les Orbea en taille M nous semblent un peu courts et nous avons donc choisi un L pour ce test en préférant, si besoin, raccourcir la potence pour retrouver la longueur souhaitée. Voici une petite vidéo de présentation qui va vous permettre d’avoir un premier aperçu avant de rentrer dans les détails.

La suspension du Oiz reste quasiment identique à celle du modèle 2013. Elle est très proche visuellement de celle de l’Occam mais les objectifs sont différents, avec ici une mise en avant très claire du côté performance pure et 95mm de débattement contre 120mm pour l’Occam. Il s’agit d’un monopivot avec biellettes, ou faux bar, dont la flexion du triangle arrière se fait au niveau des haubans.Il n’y a pas de roulements, dans la mesure où ce sont ici les haubans carbone qui fléchissent, ce qui permet un gain de poids et une simplification de l’entretien. C’est ce qu’Orbea appelle le UFO-U System. La conception montre que tout a été fait pour maximiser l’efficacité au pédalage. Le point de pivot principal est situé assez haut, quasiment dans l’alignement de la chaine, ce qui minimise le couple engendré par le pédalage sur le pivot (bras de levier très court). Cela crée également un léger kickback, ici totalement insensible au niveau du pilote, mais qui a tendance à verrouiller la suspension au pédalage.

Orbea_Oiz_Details_VojoMag_1L’évolution du ratio de suspension dessine une courbe dégressive pendant 75% du débattement pour devenir légèrement progressive sur la fin (c’est ce qu’Orbea appelle l’Advanced Dynamics). En d’autres termes, cela signifie que la suspension est relativement ferme sur le début de course, ce qui donne un pédalage efficace, mais qu’elle est faite pour bien rentrer dans le débattement sur les plus gros impacts. L’évolution progressive sur les derniers 25% permettant de “durcir” la suspension sur la fin et de ne pas venir trop facilement en butée. Au niveau de l’amortisseur, on remarque que la biellette en carbone est très compacte et, sur le dessous de celle-ci, une fine tige d’acier appelée « Tensegrity » vient rigidifier l’ensemble latéralement sans nuire à la compacité ni au poids.

Les suspensions sont confiées à Fox, avec le haut de gamme Kashima qui est déjà présent sur notre modèle M20 qui n’est pourtant pas le porte-drapeau de la gamme. Bien vu ! Un double blocage des suspensions est également prévu mais, contrairement au Oiz Team, on n’a pas droit ici à la version électronique ICD. Sur le principe, l’idée d’un double blocage est excellente et parfaitement en accord avec la vocation d’une bête de course. D’un seul geste, on peut choisir un des trois modes (Climb, Trail et Descent). Mais en pratique, c’est un peu plus complexe.

Orbea_Oiz_Details_VojoMag_2La commande Fox a une forme assez bien pensée, mais elle est associée à un boîtier peu esthétique pour coupler les câbles, son toucher est aussi un peu dur et surtout, le levier entre en conflit avec celui du changement de vitesses en position bloquée. Etonnant, surtout quand on sait que Fox et Shimano travaillent souvent en partenariat ! Enfin, il faut aussi composer avec une véritable forêt de gaines à l’avant du vélo, ce qui est peu esthétique et qui, ici, va même jusqu’à légèrement durcir la direction quand on arrive aux positions extrêmes en statique. Heureusement, cela s’oublie quand on roule, mais vivement la démocratisation de l’électronique pour en finir avec tout cela !

Orbea_Oiz_Copyright_OBeart_VojoMag-7Mis à part ce point négatif au niveau du poste de pilotage, il faut souligner que le reste des passages de câbles et gaines est sans aucun doute un des mieux étudiés de toute la production actuelle. Non seulement les trajets du « DCR » (Direct Cable Routing) se font de manière fluide et esthétique mais, en plus, on a droit à des gaines étanches avec un liner continu signées Jagwire, qui a pris la succession des célèbres Gore-Tex. Les butées ont aussi été placées de sorte qu’il ne peut y avoir aucun frottement sur le cadre. Ce n’est peut-être pas très visible ni marketing, mais ce sont des choses appréciables sur le long terme !

Pour le reste, notre modèle M20 a droit au cadre en carbone OMP (Orbea Monocoque Performance), alors que les modèles supérieurs sont dotés de la version OMR (Race). Le comportement et la rigidité sont strictement identiques, mais 200g séparent les deux en faveur du Race. Pour autant, le poids du OMP reste très contenu, puisqu’il est annoncé autour de 1900g avec amortisseur en 29 » taille M, alors que  le Race est carrément un des cadres les plus légers de la production actuelle avec 1700g annoncés. C’est ce qui justifie en grande partie la différence de prix entre l’Oiz M10 (4999€) équipé de composants proches du M20 testé ici mais proposé 1000€ moins cher (3999€ sans options). La gamme démarre à 2799€ avec le Oiz M50, toujours en carbone et doté de suspensions Fox, et elle est chapeautée par le Team à 6999€ en XTR mécanique ou 8999€ dans la version électronique (Di2), y compris pour les suspensions (ICD).

Orbea_Oiz_Details_VojoMag_3Quand on regarde plus en détails l’équipement de notre modèle M20, tout est cohérent et parfaitement fonctionnel pour un usage XC compétition. On note aussi qu’Orbea reste fidèle au double plateau, avec un XT 24/38 que nous avons beaucoup apprécié en usage mixte, rando sportive et longues distances. Par contre, même s’il y a un dérailleur arrière XTR (de la précédente génération) qui lorgne vers le haut de gamme, les freins, le dérailleur avant ou les commandes de vitesses en SLX ramènent les pieds sur terre. Sur le terrain, leurs performances n’ont pas à rougir face à du XT, voire du XTR, surtout pour les freins, particulièrement puissants. Mais quand on met 4000€ dans un vélo, l’image de composants souvent bradés à quelques dizaines d’euros sur le Web fait un peu désordre.

Cela dit, si cela ne vous convient pas, Orbea propose un système d’options assez rare dans le monde du vélo, qui vous permet d’upgrader certains composants: freins, poste de pilotage, pneus, roues, etc. Orbea a d’ailleurs choisi de doter notre modèle de test des toutes nouvelles Mavic CrossMax SL (dont vous pourrez lire très rapidement un test approfondi dans nos pages) en lieu et place des DT Swiss Spline X-1700. Cela représente un surcoût de 442€ qui a un impact majeur sur le look du vélo, déjà très agressif et plaisant, mais qui fait encore plus « avion furtif » avec ce train roulant reconnaissable entre mille. Par contre, il faudra voir si cela se justifie sur le terrain.

Orbea_Oiz_Copyright_OBeart_VojoMag-4Avant de partir sur les sentiers, il reste juste à s’acquitter d’une séance de réglages en bonne et due forme. Si pour la fourche Fox, c’est du connu (nous partons souvent sur le poids du pilote en psi + 5 à 10% selon le type de vélo), la suspension a nécessité quelques ajustements en cours de test avant de trouver le réglage optimal. Orbea a la bonne idée de placer un sticker avec les pressions recommandées sur le triangle arrière mais ces dernières nous ont rapidement semblé un peu trop élevées. Nous sommes donc descendus des 135psi préconisés pour un pilote de 75kg, à 120psi, soit 20% de SAG au lieu du petit 15% préconisé. Ce qui nous a permis de récupérer une suspension plus confortable et qui rentre un peu plus vite dans le débattement, sans pour autant trop perdre du rendement assez phénoménal du Oiz.

Boule de nerfs !

Le Oiz M20 n’est pas spécialement léger, avec 11kg sur notre balance. Même si le cadre est un poids plume, un cintre alu par-ci, des freins et une cassette SLX par-là, ça finit par avoir une influence. Par contre, quand on l’enfourche et qu’on donne les premiers coups de pédale, on dirait qu’il fait deux bons kilos de moins tellement il a du répondant et du caractère. A tel point qu’on a presque envie de lui faire passer un contrôle anti-dopage ou de regarder où est caché le petit moteur.

Orbea_Oiz_Action_Copyright_OBeart_VojoMag-8La rigidité du cadre est impressionnante et on a la sensation d’être sur un semi-rigide lors des accélérations. Dans les 29 » full-suspendus que nous avons pu rouler ces dernières années, il n’y a guère que le célèbre Specialized Epic qui peut rivaliser. Ici par contre, pas de blocage automatique « Brain ». Le cerveau reste bien sur vos épaules et c’est à votre pouce gauche d’appuyer sur la commande qui va choisir le mode de suspension.

Ce qui montre la grande qualité de la suspension de l’Orbea, c’est qu’il ne faut pas nécessairement être dans le mode le plus dur pour profiter d’un rendement de très haut vol. La cinématique elle-même fait que le vélo reste haut dans le débattement et fait preuve d’une certaine fermeté dans les premiers centimètres.

Orbea_Oiz_Action_Copyright_OBeart_VojoMag-5Le côté anti-pompage de la suspension se ressent encore plus quand on se met debout sur les pédales. Même en mode ouvert, l’amortisseur arrière bouge assez peu et ses mouvements ne sont pas du tout ressentis comme parasites. C’est plutôt la fourche qui pousse à passer vers un mode plus ferme.

A propos de fermeté, comme dit plus haut, avec les réglages préconisés par Orbea, l’arrière nous a semblé un peu trop ferme. Nous nous sommes donc risqués à baisser un peu la pression. Bien nous en a pris car l’Oiz n’a rien perdu de son superbe rendement, même si on utilise un peu plus fréquemment le mode intermédiaire (Trail) qu’avant. Par contre, dans les portions plus chahutées, la sensation de confort est nettement améliorée. L’Oiz reste ferme et son but n’est pas d’être un pullman, mais d’augmenter l’efficacité en épargnant le pilote des chocs à répétition et en offrant un excellent grip en toutes circonstances. Les capacités de l’Oiz à venir à bout des côtes raides est d’ailleurs diabolique.

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En descente, surtout les plus raides, baisser la pression permet de rentrer un peu plus vite dans le débattement et d’affaisser légèrement l’arrière pour aborder la pente avec plus d’aisance. Cela se fait d’autant plus naturellement que, sur le plat, on ne se sent pas avachi sur l’arrière et la position reste idéale pour pédaler vite et fort. Ce qui est normal puisque, avec 70° d’angle devant et 74° pour le tube de selle, on est sur des cotes très typées racing qui placent le pilote assez en avant sur la machine.

C’est clair, l’Oiz est et reste un pur compétiteur. Si ce qui a été dit plus haut sonne à vos oreilles comme des défauts, c’est que vous cherchez plus un vélo de trail/rando. Et pour cela, il y a l’Occam dans la gamme Orbea. Pour l’avoir également déjà testé, on se rend compte que ces deux modèles, bien que très proches visuellement, sont en fait très différents et se complètent à merveille pour couvrir un large spectre de pratiques.

Orbea_Oiz_Action_Copyright_OBeart_VojoMag-2Au-delà de son rendement, une autre qualité marquante du Oiz est sa maniabilité. Il est moins fun que l’Occam et il se prête moins aux exubérances, mais ceux qui croient encore qu’un 29 » ne peut pas tourner dans un mouchoir ou permettre de tailler ses trajectoires au cordeau, doivent prendre les commandes de cette machine ! Nous n’avons pas testé la version 27,5 » mais, dans ces conditions, on se demande pourquoi tourner le dos aux avantages des grandes roues, surtout quand on roule sur une taille L ?

Avant de conclure, un mot sur le train roulant. Celui-ci fera très bientôt l’objet d’un test complet mais nous ne sommes pas persuadés que les 442€ demandés pour l’option CrossMax SL se justifient vraiment, surtout que les DT Swiss Spline 1700 d’origine ont un excellent comportement même si elles sont un peu plus lourdes. Certes, les Mavic ont un look d’enfer, mais si vous voulez vraiment un upgrade, il existe des modèles pas forcément plus onéreux qui offrent, selon nous, de meilleures performances. Nous avons d’ailleurs testé l’Oiz avec un modèle plus léger (les Asterion Edition One déjà testées dans nos colonnes) et les qualités de l’Orbea s’en trouvent encore mieux mises en valeur, que ce soit au niveau du rendement ou de la précision du pilotage.

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A l’issue de ce test approfondi, nous retenons beaucoup de bonnes choses de l’Oiz. Plein de caractère, apte à briller tant en XC qu’en marathon, c’est un as du chrono. Grâce à ses suspensions commandées depuis le cintre, on peut choisir à tout moment le comportement de sa monture, plus doux ou explosif. Les quelques détails d’équipement peu en rapport avec le tarif s’oublient vite une fois sur le terrain et il n’y a finalement que l’empilement des gaines à l’avant du poste de pilotage qui nous aura vraiment gênés. Car l’ossature elle-même se place sans conteste parmi les références du secteur et nous ne lui avons trouvé aucun défaut. Elle pourra sans mal évoluer vers les sommets avec des roues et des composants plus légers, en fonction des finances du propriétaire. L’Oiz a un caractère très typé compétition qui est parfaitement assumé et qui, s’il ne vous plaît pas, doit vous inciter à partir vers l’Occam, sa géométrie moins racing et ses 120mm de débattement. Mais si vous achetez en connaissance de cause, VojoMag vous garantit de longues heures de plaisir !

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Plus d’informations sur le microsite consacré au modèle Oiz et sur le site d’Orbea

Un grand merci au garage Garhmer Porsche pour nous avoir permis d’utiliser son atelier comme écrin pour le shooting photo.
Consultant technique & suspension: Maxime Ganhy

 

ParOlivier Béart