Interview | Julien Absalon lance son propre team et se confie

Par Olivier Béart -

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Interview | Julien Absalon lance son propre team et se confie

Il avait annoncé sa retraite sportive, mais finalement il continue. Et pas n’importe comment : en lançant son propre team, Absolute Absalon. En prélude à l’annonce officielle qui vient d’avoir lieu en marge du Roc d’Azur, Julien Absalon s’est confié à nous et explique plus en détails aux lecteurs de Vojo l’historique et les coulisses de la création de son team, qui mettra l’accent sur le XC, la jeunesse… et le vélo électrique !

L’histoire a commencé pendant la convalescence. Je me fracture la clavicule et je me retrouve arrêté pendant 8 semaines en pleine saison. C’est à ce moment là que j’ai senti que j’avais encore envie de m’entraîner. De courir. Et de ne pas sortir comme cela après une saison dont je n’ai pas pu profiter alors que je savais que je pouvais encore être performant. D’ailleurs, on l’a vu sur les courses où j’étais là. 3e à Nove Mesto avant ma chute, vice-champion d’Europe à ma reprise, nouveau podium à Val di Sole pour la finale… ce ne sont pas les résultats de quelqu’un de « fini ». Puis, surtout, j’ai senti que j’avais encore la niaque pour aller m’entraîner, pour souffrir sur le vélo. Bref, je ne me sentais pas encore prêt à raccrocher.

Au-delà de cette envie de courir encore, j’avais aussi envie de me lancer dans un nouveau défi.

Et cette idée de lancer ton propre team, comment est-elle arrivée ?

Il y a plusieurs éléments qui ont joué. Au-delà de cette envie de courir encore, j’avais aussi envie de me lancer dans un nouveau défi. J’avais prévu d’arrêter avec le team BMC, même si nous avions prévu de continuer à collaborer. Et ce n’était pas facile de changer tous les plans d’un claquement de doigt. Il a donc fallu être créatif et cette solution de team personnel était vraiment parfaite. J’ai commencé à aller vers mes partenaires historiques, à choisir les personnes avec qui je souhaitais travailler, et j’ai vu avec grand plaisir qu’ils m’ont fait directement confiance.

BMC continue notamment à te suivre ?

Oui, c’est notamment le cas de BMC, qui sera fournisseur cadre du team, avec le Fourstroke full suspendu uniquement. De ce côté, je ne voulais pas changer car nous avons fait pas mal de beaux développements ensemble ces dernières années et ils vont porter leurs fruits en 2018. Cela aurait été dommage de ne pas en profiter. Pour le reste des partenaires, c’est encore en cours de finalisation.

Tu vas aussi miser sur la jeunesse en emmenant des coureurs avec toi ?

Oui, mais avec un seul coureur : Neïlo Perrin-Ganier, champion de France U23 et Vosgien comme moi. J’avais pensé à deux au départ mais cela n’a pas été possible. Et au final, pour se lancer ce n’est pas plus mal. J’ai envie de transmettre, et aussi de miser sur l’avenir. Avec Neïlo, l’objectif est de l’aider à arriver au top niveau pour sa dernière année U23 et de bien gérer son passage en Elite ensuite. A titre personnel, j’ai prévu de courir encore deux saisons au top niveau au moins, mais avec le team, je vois plus loin. J’aime ce milieu de la course, j’ai envie d’y rester même dans mon après-carrière, avec un rôle de team manager.

Le fait que tu partages la vie de Pauline Ferrand-Prevot a aussi joué un rôle ?

Oui, c’est clair que c’est une motivation pour continuer. Vivre de sa passion c’est très sympa, mais en plus, la partager avec elle, c’est un gros plus.

Il y a aussi une vraie dimension « locale » et proche de tes origines dans ce projet…

Oui, très clairement, il y a une dimension « vosgienne » car j’ai eu envie de me rapprocher de mes racines. 2018 sera aussi une année particulière avec la Coupe du Monde à La Bresse. J’ai plusieurs entreprises de la région qui me suivent, tout comme le Conseil Général des Vosges. Et au niveau vélo, il y a les vélos Moustache.

Cela veut dire qu’on verra Julien Absalon sur des vélos électriques à l’avenir ?

Oui, cela fait un moment que j’en utilise un à l’entraînement, et je sais qu’on commence à être plusieurs à le faire dans le peloton XCO. La saison prochaine, je pourrai l’afficher clairement en étant ambassadeur Moustache. Je veux montrer que l’e-bike est un super outil de préparation pour un athlète. Quand on habite dans une région avec pas mal de dénivelé, c’est impossible de faire une sortie de récupération à VTT. Et j’ai de plus en plus de mal à rouler sur la route à cause du comportement des automobilistes. J’ai sans arrêt l’impression de risquer ma vie. Avec un e-bike, on peut rester en i1/i2 sans souci en montée sur des chemins avec l’assistance puis on peut aussi travailler la technique en descente. Pour moi c’est un outil incroyable pour travailler mon pilotage ; un point de plus en plus important en XC. Puis, c’est aussi un objet de plaisir et une vraie solution de mobilité, une alternative à la voiture, et on va travailler aussi sur cet aspect avec Moustache.

Revenons à la course : quels seront tes objectifs l’an prochain ?

Je vais rester sur un programme classique au niveau Coupe du Monde, mais avec un gros objectif, très spécial pour moi, qui sera la finale de la Coupe du Monde à La Bresse. Puis aussi bien sûr le championnat du Monde.

Tu penses aussi aux JO ?

Je ne dis pas que je n’y penses pas et que c’est impossible, mais le focus c’est 2018 et 2019. Ensuite tout dépendra de ma forme, de mon envie et des résultats. Je ne veux pas faire la saison de trop. Et de toute façon en France, pour être dans le top 5 pour être qualifié donc cela ne sera envisageable que si je suis encore au top.

L’an prochain, oui, j’espère encore pouvoir aller titiller Nino et le faire souffrir !

Nino Schurter a fait la saison parfaite en 2017. Tu espères l’empêcher de faire pareil en 2018 ?

Oui, c’est vrai, il a fait une magnifique saison 2017 et c’est incontestablement le patron. A chaque fois, il a trouvé des coureurs pour l’accompagner et c’était parfait pour lui car il n’aime pas rouler seul. Puis, le souci, c’est que les coureurs qui étaient avec lui étaient à chaque fois contents de se retrouver là et pour eux, jouer pour la 2e place était déjà bien. Nino a pu, à chaque fois, les laisser travailler et les étudier puis attaquer dans le dernier tour pour aller gagner. L’an prochain, oui, j’espère encore pouvoir aller le titiller et le faire souffrir. Sans me contenter de la 2e place. J’espère que cela donnera du beau spectacle pour notre sport. Et qu’on sera plusieurs à lui donner la réplique !

On te verra davantage en France ? Voire sur des courses de VAE ?

Oui, on me verra sans doute un peu plus en France, sur les Coupes de France notamment. Par contre, à part peut-être le Vélo Vert Festival, on ne me verra pas vraiment sur des courses de vélo électrique. Ce n’est pas le but et il n’y en a pas encore vraiment qui sont bien structurées. En VAE c’est plus l’image, le côté plaisir, outil d’entraînement et solution de mobilité comme je l’ai déjà évoqué.

Et comment comptes-tu gérer la cohabitation entre ton rôle de coureur et de team-manager ?

Actuellement, j’endosse pleinement le costume de team manager pour trouver les partenaires, mettre la structure en place,… mais en saison c’est impossible. Là, je redeviendrai avant tout coureur et j’aurai un staff pour m’épauler, ce qui me permettra de me concentrer sur la course. Même si, en dehors des week-ends de compétition, j’aurai bien entendu d’autres choses en plus à gérer que jusqu’à présent. Comme mécanicien, ce sera Christophe Chambard qui nous rejoindra, et Samuel Rosses pour le côté kiné (rôle qu’il assume déjà au niveau des équipes de France cycliste)… et un peu plus, puisqu’il sera responsable de toutes les équipes de France. Il assurera aussi le rôle de coordinateur de l’équipe/manager sur les courses.

Dans ce contexte, comment abordes-tu le Roc d’Azur cette année ?

Je serai au départ, mais vraiment pas pour la gagne. J’ai couru aux quatre coins du salon du Roc pendant toute la semaine, il y a l’annonce du team… ce n’est pas un contexte idéal pour jouer la gagne ! Puis, le Roc, c’est surtout une fête, un moment de détente, de relâche, et c’est une course que j’aime aborder sous un autre angle que celui de la pure compétition.

ParOlivier Béart