Test | Cannondale Topstone carbone : un gravel en apesanteur

Par Adrien Protano -

  • Tech

Test | Cannondale Topstone carbone : un gravel en apesanteur

Dans le petit monde du gravel, le Cannondale Topstone marche dans les pas de son aîné, le Slate, en venant mettre lui aussi son grain de sel dans les débats liés à la pratique ainsi qu’aux choix techniques qui peuvent en découler... Doté de suspensions atypiques tant à l’avant qu’à l’arrière, le Topstone joue la carte de la différence par rapport à ses rivaux directs. Mais est-ce que cela a vraiment de l’intérêt, un gravel tout-suspendu ? Verdict : 

Si l’éclosion de la pratique du gravel est plutôt récente dans le paysage du VTT, cela fait pourtant des années que certaines marques ont investi le terrain. C’est le cas de Cannondale qui s’est vite pris au jeu de cette pratique mêlant le meilleur des deux mondes avec son modèle dénommé « Slate » et commercialisé courant 2015. Pour la petite anecdote, Cannondale avait inséré une nouvelle catégorie au sein de son catalogue dénommée « New Road » pour y classer ce Slate, de quoi déjà diviser les opinions à l’époque !

De l’eau a coulé sous les ponts et le gravel a fini par s’imposer comme pratique à part entière. C’est la raison pour laquelle le Topstone, modèle gravel visant la polyvalence, est apparu en 2019 au sein de la marque américaine. Si jusqu’en 2021 il était uniquement équipé d’une fourche rigide, Cannondale a ensuite repensé le Topstone afin de proposer une version dotée d’une fourche Lefty ainsi que d’un « amortisseur », mais nous y reviendrons !

La gamme gravel de chez Cannondale est donc aujourd’hui partagée entre un modèle dédié à la performance et dans la lignée du cadre de cyclisme de la marque, le SuperSix Evo, tandis que le segment du gravel polyvalent est assuré par notre modèle du jour, le Topstone.

Châssis

Avec des lignes inspirées du Slate, le Topstone dispose d’un cadre entièrement fait en carbone, et dont les formes attirent l’oeil. Un sacré travail a été réalisé sur les lignes du cadre, qui s’étirent et s’affinent ici et là. Loin d’être le plus léger de sa catégorie pour autant, le Topstone affiche un poids de 9,8 kg sur la balance.

Cannondale a opté pour une tige de selle flexible de série afin de filtrer les vibrations du terrain et offrir plus de confort au pilote. La marque américaine explique que le Topstone est toutefois prévu pour permettre également le montage d’une tige de selle télescopique en 27,2 mm de diamètre. De quoi décupler encore un peu plus la polyvalence de ce modèle…

Le cadre offre quant à lui un dégagement suffisant pour le montage de pneus jusqu’à 700×45, tout en conservant 6 mm de chaque côté selon la marque. Le montage de roues de 650b est aussi possible. Un passage de gaine interne est  également de la partie, tout comme le support pour accueillir un garde-boue arrière.

Si l’appel de l’aventure résonne en vous, ce n’est pas le Topstone qui rechignera à s’y lancer. Cannondale l’a doté de multiples fixations dédiées à de la bagagerie. Il est ainsi équipé de fixations pour deux porte-bidons au niveau du tube de selle et du tube diagonal, d’une fixation pour une chambre à air de secours (fournie de série) ainsi que sur le haut du top-tube.

Suspension

Voilà peut-être le point d’orgue lorsqu’on parcourt du regard ce Cannondale Topstone : ses suspensions ! Car oui, le Topstone est un gravel doté de suspensions… et pas n’importe lesquelles qui plus est. Clin d’oeil ou évolution logique, c’est en tout cas une fourche Lefty Oliver qu’on retrouve sur ce Topstone, tout comme sur le Slate à l’époque.

Si elle porte bien le même nom et offre toujours 30 mm de débattement, cette Lefty Oliver apporte pourtant avec elle de sacrés changements. Cannondale a fait fi de la construction double-té que l’on retrouvait sur le modèle Oliver du temps du Slate, pour se doter d’un châssis en carbone similaire à la Lefty Ocho, le modèle VTT. Le résultat est une fourche mono-bras et mono-té affichant 1 340 g sur la balance.

Les fourches Headshock ont toujours été connues pour leurs faibles frictions, grâce à un coulissement sur roulements à aiguilles et non sur des bagues de guidage. Cette Cannondale Lefty Oliver ne déroge pas à la règle et nous a surpris sur le terrain (spoiler : en bien !).

Cannondale explique que cette nouvelle version de la Lefty Oliver dispose d’un réglage du rebond isolé de la compression, ce qui permet une plage de réglage supérieure de 60 % à celle de la Lefty qu’on retrouvait sur le Slate.

Pour le reste, une commande de blocage est placé sur le haut de la fourche et permet de verrouiller cette Lefty Oliver pour les portions d’asphalte ou les sprints. Le verrouillage est complet, ce qui s’apparente davantage à un atout sur ce genre de machine.

Mais cette Lefty n’est pas la seule spécificité de ce Topstone, puisque ce modèle est également doté d’un axe traversant dénommé « KingSpin » et ayant pour mission de filtrer les vibrations et d’apporter (un peu) plus de confort au pilote. Ce système permet ainsi d’obtenir 30 mm de débattement au niveau de la selle et 10mm à la roue arrière sans trop d’impact sur le poids.

Concrètement, c’est plus un système « softail » qu’une réelle suspension. Il n’y a pas de point de pivot au niveau des bases, près du boîtier de pédalier et l’ensemble joue fortement sur la déformation du carbone. Par contre, les haubans ne sont pas solidaires du tube de selle, mais attachés au moyen d’un axe, le fameux KingSpin. Cet axe permet aux haubans d’avoir une certaine mobilité par rapport au tube de selle et au tube supérieur dont les formes complexes agissent comme un « ressort » à lames ; l’ensemble pouvant se déformer bien plus que sur un cadre au design classique.

Géométrie 

Côté géométrie, le Topstone (en taille M) se caractérise par un angle de direction de 70,5°, un angle de selle de 72,4°, un reach de 373 mm et des bases de 420 mm.

Afin d’offrir un cadre le plus adapté possible à la taille du pilote, cette géométrie est évolutive en fonction de la taille du cadre. Dénommée « Proportional response », cette conception fait par exemple varier le reach de 361 mm en taille XS jusqu’à 386 mm pour le cadre en taille XL.

Promesse d’une « direction maniable et légère tout en améliorant la stabilité générale du vélo », Cannondale explique avoir également repris la « OutFront Geometry » que l’on retrouve sur le F-Si ou le modèle de cyclo-cross SuperX. Celle-ci consiste à associer une fourche avec un déport de 55 mm (là où il est généralement de 44 mm)  à un angle de direction plutôt couché (70,5°).

Équipement 

Nous avons reçu ce Cannondale Topstone dans son montage le plus haut de gamme, affiché au tarif de 8 999€. Dans cette configuration plutôt onéreuse, rien n’est à jeter et les composants sont en osmose avec le programme du vélo. Comme on le présentait précédemment, c’est une Lefty Oliver ré-étudiée pour l’occasion, dotée d’un châssis en carbone et offrant 30 mm de débattement, qui orne l’avant de ce Topstone.

Comme toujours en gravel, transmission et freins sont indissociables. Cannondale a ainsi décidé de faire confiance à Sram et en sa gamme Force eTap AXS XPLR (XPLR désignant la version gravel et eTap AXS la technologie sans fil de la transmission). Les disques sont en 160 mm, tandis qu’au niveau de la transmission, on retrouve une cassette de 10-44 et un pédalier de 40 dents.

Les roues sont signées HollowGram, la marque d’accessoires haut de gamme maison de Cannondale. Il s’agit de jantes en carbone en 27 mm de large, montées sur des moyeux maison et avec d’excellents pneus Vittoria Mezcal en 700 x 44c Graphene 2.0. Pour les assidus du poids, la paire de roues est annoncée à 1450 g.

Comme déjà rencontré sur le Cannondale Scalpel HT, le capteur polyvalent intégré au moyeu de la roue avant est toujours de la partie. Il permet d’enregistrer des données en lien avec la sortie telles que la vitesse ou la distance parcourue, mais aussi des informations sur la vie du vélo, comme l’enregistrement auprès de Cannondale ou les intervalles d’entretien. Ces différentes données sont ensuite directement consultables sur l’application pour smartphone de Cannondale.

Côté poste de pilotage, la potence et le cintre sont en aluminium et en provenance de chez Cannondale. Si l’on retrouve sur certains gravels des cintres dont le flare (comprenez l’angle vers l’extérieur de la partie basse) est plutôt extrême (plus de 30°), on est ici face à un angle bien plus mesuré et passe-partout puisqu’il affiche 12° seulement. A titre de comparaison, un cintre route sera entre 0 et 4° tandis qu’un cintre de gravel commence à être réellement “typé” à partir de 20°.

Enfin, c’est une tige de selle flexible SAVE en carbone et une selle Fizik Argo X3 qui complètent l’équipement de ce Topstone.

Versions et tarifs 

Au-delà de ce Topstone carbone 1 Lefty, modèle le plus luxueux de la gamme, une seconde configuration dotée de cette fourche Lefty Oliver figure au catalogue au prix de 5 199€, dans deux coloris (noir ou jaune canari). Il faut également noter que ce Topstone carbone existe aussi avec une fourche rigide, dans des configurations allant de 2 999€ à 8 999€.

Le Cannondale Topstone carbone sur le terrain : 

Cannondale n’a jamais aimé faire les choses comme tout le monde, et cela se remarque encore avec ce Topstone. Que ce soit la Lefty, la micro suspension arrière ou son look général, ce gravel se démarque de ses congénères… sans toutefois choquer ou en faire trop dans le démonstratif inutile. En tout cas, il éveille la curiosité.

Avec 9,8kg sur la balance, ce n’est pas vraiment un poids plume pour un gravel haut de gamme. Mais quand on le roule, il dégage immédiatement une réelle impression de légèreté et de dynamisme. Les accélérations sont franches, tranchantes même, et le petit système de suspension arrière KingSpin ne donne absolument pas l’impression de manger la moindre énergie du pilote. Au contraire, on a la sensation d’avoir un cadre à la fois très performant mais pas trop exigeant et qui ne demande pas de développer des milliers de watts pour en tirer le meilleur grâce à une rigidité parfaitement dosée.

Dans les longues ascensions, il se montre aussi très performant et agréable, et on conserve aussi très facilement la vitesse sur le plat. Sur tous ces points, il faut à la fois saluer la qualité du châssis, mais aussi des roues Cannondale Hollowgram qui, sans en avoir l’air, apportent pas mal de dynamisme à l’ensemble. Elles ont aussi le bon goût de ne pas se montrer trop raides ou exigeantes, s’inscrivant en cela pleinement dans la lignée du cadre.

Tout en ayant des performances pures qui lui permettent de regarder droit dans les yeux des vélos de gravel plus classiques, plus légers et sans suspensions, le Cannondale Topstone tire vraiment son épingle du jeu sur les terrains chaotiques et usants. Soyons clairs : nous aimons la simplicité sur un gravel et nous ne sommes pas des fans inconditionnels des suspensions sur ce segment. Mais dans ce cas, on doit bien avouer que les 30mm parfaitement dosés de la Lefty à l’avant sont un joli petit plus dont on remarque régulièrement les avantages. Et quand on n’a pas envie de la sentir fonctionner, sur route par exemple, il est toujours possible de la bloquer. Même si on n’a pas de blocage au guidon, nous avons trouvé que la molette sur la fourche est très accessible et cela ne nous a pas dérangé. A noter aussi que le blocage est total, ce qui est appréciable sur ce genre de vélo.

De manière générale, les petits chocs sont très bien filtrés par cette fourche inversée dont la sensibilité est une des qualités majeures. Cela rend le Topstone particulièrement reposant à rouler sur les reliefs inégaux qui, autrement, apporteraient des vibrations à n’importe quel gravel non suspendu. La Lefy ouvre aussi au Topstone les portes de parcours plus engagés, limite VTT, en offrant un petit surcroît d’adhérence au train avant, rendant la machine particulièrement sécurisante en toutes circonstances.

Avoir une fourche à l’avant sur un cadre raide comme la justice ne sert à rien et peut même s’avérer désagréable par manque de cohérence de l’ensemble. Ici, l’alchimie est parfaite avec le KingSpin à l’arrière, qui ne se ressent absolument pas au pédalage et qui n’engendre aucun pompage perceptible ou autre mouvement parasite, mais qui filtre particulièrement bien les vibrations lui aussi, et qui joue beaucoup dans la cohérence de l’ensemble du vélo. Il faut aussi signaler que la tige de selle, flexible, apporte sa pierre à l’édifice au niveau de la filtration des vibrations.

Autre point que nous avons beaucoup apprécié sur le Topstone, c’est la position de pilotage et sa géométrie. C’est un des gravel sur lesquels nos différents testeurs se sont tous trouvés particulièrement bien posés, avec une position à la fois orientée performance mais aussi confortable, de sorte qu’il est particulièrement agréable de rouler longtemps au guidon de cette machine.

Du côté des équipements, rien à redire, le groupe Sram Force AXS XPLR fonctionne parfaitement et les changements de rapports du dérailleur électronique sont toujours aussi agréables de douceur et de précision. Avec la cassette 10-44 et le pédalier 40 dents, nous ne nous sommes pas sentis limités dans le programme du vélo. Le freinage Sram est bon, même s’il n’est pas le plus puissant. Nous avons déjà dit tout le bien que nous pensons des roues, mais au niveau du train roulant, il faut aussi souligner les excellents pneus Vittoria Mezcal qui sont solides, accrocheurs et sécurisants tout en restant vraiment roulants.

Verdict

Le Cannondale Topstone fait partie des meilleurs gravel que nous avons testés à ce jour. Même si habituellement nous aimons la simplicité sur ce segment, pour bien le différencier du VTT, on ne peut pas cacher qu’on a adoré chaque seconde passée au guidon de ce vélo atypique et particulièrement attachant. En le roulant, on se rend clairement compte qu’il n’est pas original pour le plaisir d’être original, mais que ses particularités ont un sens et apportent une réelle plus-value quand on roule. C’est tout particulièrement la justesse du cocktail rendement/confort qu’il propose qui nous a convaincus. Bien sûr, nous écrivons tout cela avec notre background de vététiste qui reste bien présent, et ce vélo parlera peut-être moins à des cyclistes venant de l’univers route. Mais à nos yeux, c’est une réussite. Reste hélas le tarif de 8999€, qui peut s’expliquer par la technologie et l’originalité du vélo, mais qui reste franchement élitiste.

Cannondale Topstone carbone Lefty 1

8 999 €

9,8 kg

  • Travail des formes et des finitions réalisées sur le cadre
  • Excellent équipement
  • Position de pilotage confortable
  • Justesse du cocktail rendement/confort
  • Poids moyen pour un gravel haut de gamme
  • Prix élitiste

Évaluation des testeurs

  • Prix d'excellence
  • Coup de coeur
  • Rapport qualité / prix

Plus d’infos : https://www.cannondale.com/fr-fr/bikes/road/gravel/topstone-carbon/topstone-carbon-1-lefty

Retrouvez également notre essai en vidéo, assorti d’une comparaison avec le Slate, premier gravel Cannondale, pour mesurer l’évolution du segment en quelques années :

ParAdrien Protano