Victoire Cycles | Test : quand l’acier devient or

Par Olivier Béart -

  • Tech

Victoire Cycles | Test : quand l’acier devient or

Dans le prolongement de notre visite chez Victoire Cycles, nous avons eu l’occasion de suivre l’arrivée, le montage et les premiers tours de roues d’une des machines d’exception sorties des ateliers de ces artisans de Clermont-Ferrand. Du dialogue de base jusqu’à sa traduction sur le terrain, voici notre essai d’un vélo unique, à la finition extraordinaire, qui met à l’honneur un matériau plus trop sous les feux de la rampe mais ô combien désirable : l’acier. 

Victoire_Cycles_Gold_Copyright_OBeart_VojoMag-2Le cahier des charges de Ludo était assez clair mais atypique : « Je voulais d’une part un vélo basique, roots et différent, mais qui devait me permettre de monter les composants de mon premier Scalpel. Il a donc été prévu pour une Headshock Lefty, un pédalier BB30 et un axe 12×142 à l arrière. »

Victoire_Cycles_Gold_Copyright_OBeart_VojoMag-6La géométrie est aussi très proche de celle du Cannondale Flash 29 pouces, qu’il appréciait beaucoup, mais une étude posturale Energy Lab (un gros centre de préparation physique situé dans le Nord-Est de la Belgique, NDLR) a quand même été réalisée pour affiner les cotes au maximum et obtenir un vélo parfaitement adapté à sa (grande) morphologie. Comme tous les vélos Victoire sont sur-mesure, cela aurait été dommage de se priver !

Victoire_Cycles_Gold_Copyright_OBeart_VojoMag-1« Habituellement, nous réalisons nous-même l’étude posturale avant la réalisation de nos cadres mais quand ce n’est pas possible, comme ici avec Ludo qui habite en Belgique, nous avons travaillé sur base d’une autre étude et de la demande du client de retrouver quelque chose de proche de son ancien vélo. Au final, on est presque sur une taille L classique, mais avec quelques changements subtils guidés par l’étude posturale qui a notamment montré qu’il a des fémurs assez longs », explique Julien Leyreloup, le « chef d’orchestre » de la maison Victoire.

Victoire_Cycles_Gold_Copyright_OBeart_VojoMag-10De son côté, s’il voulait un zeste de confort, Ludo ne voulait pas perdre sur les autres tableaux : « J’ai clairement insisté pour que le rendement au pédalage soit soigné, insiste-t-il. Par contre, le poids n’était pas une priorité. Du moment qu’on restait en dessous de mon Scalpel, j’étais heureux. Et je préfère compter sur des équipements haut de gamme soigneusement choisis pour gratter des grammes. » Au final, le cadre sort à 2080g, ce qui s’explique par la taille, ainsi que par les demandes du client d’avoir un vélo rigide latéralement.

2-Victoire_Cycles_Gold_Copyright_OBeart_VojoMag-1Reste à traduire tout cela en pratique. Et c’est là qu’intervient tout l’art et la science d’un cadreur artisanal comme Victoire Cycles. Première étape : le choix des tubes. « Nous travaillons surtout avec Columbus et Reynolds, un peu Tange aussi, ce qui représente près de 500 tubes disponibles au total, explique Julien. Ici, on est en 100% Columbus, sauf le tube de selle. Les bases et haubans proviennent de la série 29r qui sont des Zona adaptés au 29 au niveau des bases, haubans et du tube diagonal. » La douille de direction « tapered » provient de chez Reynolds, alors que la boîte de pédalier et les pattes sont issues du très réputé catalogue Paragon.

1-Victoire_Cycles_Gold_Copyright_OBeart_VojoMag-1Au-delà des tubes, les formes du cadre ont aussi été très soignées. Pour raccourcir les bases, le tube de selle a été cintré. « C’est du custom car on n’en trouve pas chez les constructeurs classiques. C’est un alliage idetique au Columbus Zonal ou au Reynolds 631 mais que nous faisons travailler spécifiquement pour nous », ajoute « monsieur Victoire ».

Victoire_Cycles_Gold_Copyright_OBeart_VojoMag-4Sur les questions de conception pure, Victoire a eu carte blanche : « Ludo avait ses idées, mais il nous a laissés nous exprimer sur de nombreux points. C’est notamment le cas au niveau de la jonction entre les haubans et le triangle avant où nous avons créé une sorte de mini « triple triangle » (en référence au mythique concept GT). En faisant cela, on améliore la rigidité latérale par augmentation de la surface de contact de la soudure avec les autres tubes. »

Victoire_Cycles_Gold_Copyright_OBeart_VojoMag-8Pour le confort, lié à la rigidité verticale, très importante ici pour répondre au cahier des charges du client, il a fallu trouver le bon dosage selon la taille du cadre et le poids du pilote. « Normalement nous utilisons des haubans en 19mm de section en VTT mais, vu la jonction, nous avons utilisé une nouvelle référence en 16mm pour avoir un bon amorti des chocs venant du sol. Combiné au triple triangle, on va avoir un vélo réactif, vif, mais aussi tolérant. »

Le montage

Victoire_Cycles_Gold_Copyright_OBeart_VojoMag-14Ludo souhaitait reprendre un maximum de composants de son Cannondale Scalpel avec notamment la Lefty, ou encore le très léger pédalier Cannondale Hollowgram SL et sa couronne XX1.

4-Victoire_Cycles_Gold_Copyright_OBeart_VojoMag-1« C’est très important pour nous de savoir comment le client souhaite monter son vélo au final. Car nous pouvons adapter certaines choses. Notamment, ici, on n’a aucune fixation pour dérailleur avant. On peut aussi orienter de façon optimale les guide-Durits en fonction du modèle de freins ou encore prévoir leur nombre et leur emplacement selon les specs », précise Julien. Les roues sont un mélange de jantes carbone asiatiques similaires aux anciennes Roval Control SL avec des rayons Sapim CX Ray ligaturés et des moyeux Tune pour l’avant et Chris King à l’arrière. Notez aussi le collier de selle intégré au cadre, la tige de selle Fizik carbone et la selle Tune Speedneedle.

Victoire_Cycles_Gold_Copyright_OBeart_VojoMag-15Ici, la fameuse Headshock Lefty est montée dans une douille de direction tapered 1.5-1.1/8e et un pivot adaptable en carbone. La fourche est passée dans les mains du préparateur 88+ pour améliorer son fonctionnement.

3-Victoire_Cycles_Gold_Copyright_OBeart_VojoMag-1Les freins à disques sont des Magura MT8, placés sur une fixation de type Postmount sur le cadre, avec de petit cylindres en guise de pas de vis, et sur un original cintre Ritchey Superlogic 10° à la forme de « M » pour les leviers. Détail aussi sur le pédalier Cannondale Hollowgram SL, très léger (moins de 500g avec axe) et qui a l’avantage d’offrir une étoile ainsi qu’un axe démontables qui lui permettent de s’adapter à presque tous les cadres du marché.

Victoire_Cycles_Gold_Copyright_OBeart_VojoMag-16Un dernier mot sur la couleur, qui est un vernis de teinte « sulfure » qui met particulièrement bien en valeur à la fois le travail sur les tubes et les magnifiques soudures polies. « J’étais un peu sceptique au départ mais, au final, je ne regrette pas du tout ce choix, explique Ludo. J’avais peur que ça fasse bling-bling et pas vraiment dans l’esprit acier, mais au final ce n’est pas du tout le cas. » En vrai, on vous confirme que ce côté doré est subtil et qu’il prend des teintes plus brunes une fois dans les bois. Magique !

Victoire_Cycles_Gold_Copyright_OBeart_VojoMag-17La peinture est une des seules opérations qui est sous-traitée, surtout à cause des normes anti-pollution et de la place nécessaire. Victoire propose deux types de peinture, de l’industriel classique type carrosserie, et du vernis poudre transparent, très solide, épais et costaud comme ici, en 4 couleurs de base. D’autres teintes sont possibles en option.

Victoire_Cycles_Gold_Copyright_OBeart_VojoMag-13Dernier point avant d’aller sur le terrain voir ce que l’animal a dans le ventre : le tarif. Eh bien figurez-vous que, s’il n’est pas « discount », et c’est logique, ce made in France d’exception n’est pas non plus hors de prix : « C’est du sur-mesure donc le tarif varie toujours un peu, mais nous avons récemment créé une sorte de gamme avec quelques modèles pour orienter les gens. On peut donc donner des prix de base avec une liste d’option », explique Julien. Le ticket d’entrée est à 1240€ et, en VTT, cela ne grimpe pas souvent au-delà de 1500€. Victoire Cycles propose aussi des montages dès 3300€. « On parvient donc à entrer directement en concurrence avec des modèles de grande série, voire même parfois à être en dessous », ajoute fièrement le boss. Ici, le tarif de l’ensemble est logiquement bien plus élevé avec tous ces composants luxueux, mais le propriétaire a réutilisé beaucoup d’équipements de son ancien vélo, ce qui a limité la facture finale.

Victoire Cycles « gold » : premiers tours de roues

Victoire_Cycles_Gold_Copyright_OBeart_VojoMag-20Ludo n’étant pas du genre égoïste, juste après cette séance photo réalisée avec lui aux commandes de son destrier, nous avons eu la chance de grimper sur cette petite merveille et de faire une belle sortie de 40 bornes à son guidon sur des terrains que nous connaissons bien.

Victoire_Cycles_Gold_Copyright_OBeart_VojoMag-27C’est avec une appréhension certaine que je commence à rouler avec cette pièce unique. Pas tomber, pas tomber,… heureusement Ludo me rassure en me montrant sa confiance et la qualité de la peinture met aussi en confiance dans la mesure où on se rend vite compte que le moindre écart ne risque pas d’occasionner des dégâts irréversibles. La morphologie du propriétaire est un peu différente de la mienne, mais je parviens à me poser parfaitement aux commandes malgré tout. On va pouvoir attaquer les choses sérieuses.

Victoire_Cycles_Gold_Copyright_OBeart_VojoMag-21Il ne faut pas longtemps pour s’apercevoir que le rendement est bien présent. L’acier pépère en mode saucisse, ce n’est pas le genre de la maison ! Le cahier des charges fixé au départ est respecté, et même mieux que cela : on retrouve des sensations dignes des meilleurs cadres en carbone. Cet acier semble plus vif que des vélos équivalents en titane que nous avons pu tester. A chaque relance, il explose entre les jambes et il donne l’impression de peser bien moins que ses 9,7kg vérifiés. Le cadre à 2kg s’oublie en tout cas très vite.

Victoire_Cycles_Gold_Copyright_OBeart_VojoMag-25Le compromis au niveau du boîtier de pédalier est parfait (ni complètement bridé, ni « flottant ») et le cadre parvient à différencier de façon assez exceptionnelle la rigidité latérale de la verticale. Le confort n’est évidemment pas celui d’un full, et on est aussi un poil en dessous des titanes les plus tolérants, mais la filtration des vibrations est très présente. Au fil du temps, on se rend compte qu’on garde toute sa fraîcheur pour donner de bons coups de pédale qui sont parfaitement retransmis par le cadre. Que demander de plus ?

Victoire_Cycles_Gold_Copyright_OBeart_VojoMag-22En descente, le vélo est stable, tolérant et rassurant. Ludo aime sa Lefty, mais nous ne pouvons nous empêcher de la trouver limitée. Flatteuse sur les petits impacts, elle rentre trop vite dans le débattement quand on attaque des pentes plus raides, plaçant parfois le pilote dans des positions délicates. Mais c’est bien la seule réserve que nous avons par rapport au vélo, qui est aussi une arme absolue dans les singletracks sinueux. Et surtout une énorme machine à plaisir.

Verdict

Au-delà de l’esthétique et de la philosophie qui sont des moteurs importants au moment de se diriger vers l’achat d’un vélo en acier sur-mesure, cet essai a permis de voir que Victoire Cycles réussit parfaitement à traduire les désirs de ses clients au niveau du comportement. Et c’est vraiment ça qui montre la qualité de la maison et la compétence des gens qui la tiennent. Aussi beau à regarder qu’agréable à piloter, ce Victoire a une âme. Et c’est cette âme qui en fait un investissement durable car, si le matériau lui-même a un caractère indémodable, c’est surtout la capacité de ce vélo à prolonger les envies de son pilote qui le rendra éternel ou presque. En tout cas, après cet essai, on comprend clairement pourquoi cette petite marque a autant de succès.

Après cette présentation, si ce n’est déjà fait, n’hésitez pas à vous plonger dans notre dossier consacré à Victoire Cycles, qui nous a ouvert grandes les portes de son atelier : www.vojomag.com/decouverte-victoire-cycles-made-in-france-aux-nerfs-dacier

Plus d’infos : www.victoire-cycles.com

ParOlivier Béart