Vécu: le Snow Bike Festival en 29 pouces

Par Elodie Lantelme -

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Vécu: le Snow Bike Festival en 29 pouces

À part le VTT, Stijn Delagaye a une autre passion : le ski ! Pour lui, rien de plus magique que de se faire déposer par les remontées mécaniques en haut d’une montagne, puis de dévaler les pentes dans la poudreuse fraîche. Pourquoi ne pas combiner les deux ? Le fat-bike existe justement pour ce genre de folie. Et avec le Snow Bike Festival, qui s’organise à Gstaad, en Suisse, il tient peut-être la recette parfaite pour des vacances de rêve. Voici son récit.

D’autant que ce n’est pas en Suisse qu’on se tracasse d’un petit mètre de neige ou que tout le pays se retrouve à l’arrêt dès que les flocons tombent du ciel. Et ce n’est pas aux Helvètes qu’on apprendra comment gérer des routes enneigées ou damer les pistes. Je me fais donc peu de souci et laisse mes copains faire leurs commentaires sur mon choix de monture.

J’aurais évidemment pu me douter que la météo en montagne serait aussi imprévisible que les cours boursiers, et en arrivant à Gstaad, les prévisions s’annonçaient déjà plutôt mal. Déjà, le soleil n’était clairement pas d’humeur et avait décidé d’hiberner au fond d’une grotte. Peu importe, un menu à 5 plats m’attendait impatiemment dans le domaine Golfresort du hameau de Saanenmöser, mon refuge pour les 4 prochains jours. Et si le Snow Bike Festival était du même calibre que le repas que je venais de dévorer, ça promettait pour les 4 prochains jours !

Jeudi matin, ça y est enfin : je récupère dossard et goodie-bag, et je me change dehors dans la neige pour le prologue. C’est vrai, il ne fait pas spécialement chaud par ici, comme en témoigne ma peau instantanément transformée en chair de poule. C’est pendant mon échauffement que je commence à me poser mes premières questions par rapport à mon 29. La neige est finalement quand même assez molle, et quand je vois tous ces gros monstres à côté de mon petit Focus…

On m’appelle au départ et, frémissant, je monte sur la rampe, qui n’est autre qu’un gros tas de neige sur lequel on a déposé une tonnelle.

Les quelques gros calibres tels que Christoph Sauser et Hielke Elferink ne m’aident pas vraiment à garder mon calme. On m’appelle au départ et, frémissant (de froid, bien évidemment), je monte sur la rampe, qui n’est autre qu’un gros tas de neige sur lequel on a déposé une tonnelle. Bon, va falloir rouler maintenant.

Et tout ça, contre la montre. Une première étape de 8 kilomètres m’attend et je dis en blaguant à mon compatriote Marius Gielen – qui part 90 secondes avant moi – que je lui taperai sur l’épaule quand je le dépasserai. 12h53’30” : c’est enfin le départ de ma première vraie Snowrace. Je mets les watts et prends en chasse les coureurs partis avant moi. Ça s’élance toutes les 30 secondes. Autant dire que le gars qui démarre 30 secondes après moi va pouvoir se décarcasser pour venir me chercher.

J’envoie mon petit Focus sur les jolis sentiers autour de Gstaad et 2 méchantes petites côtes et descentes plus tard, je suis de retour au télésiège de l’Eggli. Le dieu italien du ski, Alberto ’La Bomba’ Tomba en aurait été jaloux, d’ailleurs, de ma descente. J’ai finalement réussi à rattraper Marius aussi, même si j’ai oublié de lui taper sur l’épaule. Avec le revêtement glissant par ici, j’avais de toute manière plutôt intérêt à bien tenir mon guidon si je ne voulais pas finir dans le décor.

Je termine treizième. Oui, oui, au scratch, Monsieur ! Devant Sauser ! Enfin, presque…

En plus, ce n’était même pas encore la meilleure nouvelle de la journée. En arrivant au chapiteau pour le dîner et le briefing de fin de journée, je découvre que je termine treizième. Oui, oui, au scratch, Monsieur ! “Et paf, Christoph Sauser !” Avec une petite crise de la quarantaine qui pointe le bout du nez, on pourrait se croire une star pour moins que ça…

Malheureusement, l’explication ne tardera pas. Pas que le résultat était faux, c’est juste que les pros, partis nettement plus tard l’après-midi, ont eu des conditions bien pires que les nôtres. Alors que nous nous étions déjà retirés bien cosy au Golfresort et que nous décrassions dans le sauna pendant que les flocons tombaient du ciel, les pros, eux, attaquaient le prologue… sous la pluie. Les 200 mètres de dénivelé qui nous séparaient de la ligne de départ étaient en effet suffisants pour passer au-delà de la limite pluie/neige ce jour-là. Je vous avais d’ailleurs déjà dit que la météo en montagne était parfois capricieuse ? Les jolis sentiers de notre prologue s’étaient transformés en vilaine gadoue glissante dans laquelle même les pros n’arrivaient pas à avancer. La seule solution pour eux était donc de courir.

Le lendemain matin, ma confiance en prend un coup lorsqu’on annonce gentiment que le fat-bike sera vraiment le compagnon idéal pour l’étape du jour. Les descentes risquent d’être bien glissantes avec les températures devenues positives ! Bon, peut-être que les Suisses ont sous-estimé les forces de ce petit Belge avec son 29 pouces et qu’ils ont oublié les cours d’histoire : il suffit de demander à un certain Jules César qui étaient les plus courageux de tous les… Non sérieusement, maintenant. De toute façon, ce n’est pas comme si j’avais encore le choix…

Splatsj, splatsj, splatsj… Rouler, courir, tomber, me relever, puis continuer, j’aurai tout essayé.

Une petite balade de 30 kilomètres sur la magnifique promenade de Gstaad est au menu. Ça n’a pas l’air de grand-chose, mais honnêtement, il n’en faudrait pas plus. La météo, ses caprices, tout ça… vous savez bien. On peut voir le bon côté, aussi : quelques heures de bike dans la poudreuse le matin, puis l’après-midi, on se fait plaisir en dévalant les pistes skis au pied. À Gstaad, tout est possible !

Nous suivons une route asphaltée vers la remontée de l’Eggli et prenons ensuite un sentier direction Saanen. Et puis, ce que je craignais arriva : fini le vélo. Le sentier du prologue que nous avions suivi dans des conditions de rêve la veille s’est transformé en coulée de neige fondante, avec des vélos et des coureurs qui glissent dans tous les sens. Impossible de rouler, ni même de rester debout. Rouler, courir, tomber, me relever, puis continuer, j’aurai tout essayé.

Aucun coureur n’arrive à tenir sur ses jambes, tout le monde passe les premiers kilomètres du parcours à côté du vélo. Je me demande un peu ce qu’on fait là et j’aperçois un Belge qui n’a même pas pris le départ. Je ne peux que lui donner tort, car j’arrive finalement encore à y prendre du plaisir et finis par arriver à Saanen, où l’organisation nous attend et décide d’arrêter l’épreuve et de nous faire redémarrer.

La boucle par Wallis et la traversée de l’aéroport sont finalement annulées, trop risquées. Elles sont remplacées par une montée sur route vers le sommet de l’Eggli. J’ai du mal à retrouver mon rythme après le deuxième départ, mais je remarque que la température ne cesse de chuter à chaque mètre grimpé. La gadoue se transforme littéralement en poudreuse et les routes deviennent de plus en plus blanches.

J’ai déjà complètement oublié la gadoue et, un sourire jusqu’aux oreilles, je m’ouvre une belle trace dans la poudreuse blanche. 

C’est ici que l’asphalte se termine et que nous continuons sur un sentier de randonnée et piste de ski. D’un coup, mon calvaire se transforme en expérience magique. Tous les bruits sont feutrés par la neige fraîche. Je n’entends plus que le craquement de mes pneus et la respiration de mon concurrent !

J’ai déjà complètement oublié la gadoue et, un sourire jusqu’aux oreilles, je m’ouvre une belle trace dans la poudreuse blanche. Le soleil est sorti de sa cachette et fait de son mieux pour ajouter un joli scintillement à notre aventure en perçant les nuages gris. De temps à autre, on croise des skieurs… Ils doivent vraiment se demander si on n’est pas un peu dingues.

Une fois au sommet de l’Eggli, j’attrape un gobelet au ravitaillement et tente la descente à vélo, mais mes pneus étroits s’enfoncent bien trop loin dans la neige et je me retrouve à terre pour la première fois. Je n’abandonne pas pour autant et tente à nouveau le coup en me servant de toute mon adresse pour rester debout cette fois, mais dès que je pose le pied, je m’enfonce si loin que je me retrouve à nouveau avec le pif dans la poudreuse.

Après ma dixième chute, j’arrête de compter et je me dis que cette descente était vraiment “too much”. Les fat-bikes me dépassent de partout, prouvant que l’organisation avait finalement bien raison au sujet de ces gros vélos ! Et si j’avais osé planer après ma 13e place du prologue, cette expérience me remet bien avec les 2 pieds sur “terre”.

Ça ne gâchera pas mon plaisir ! La descente était absolument magique jusqu’au moment de passer à nouveau sous les nuages et en dessous de la barre des 1200 mètres d’altitude. La neige se transforme à nouveau en gadoue et c’est reparti pour 8 kilomètres de glissade, d’injures, de chutes et de course à pied jusqu’au finish. Et avec une moyenne d’à peine 9 km/h, autant dire que je peux oublier le classement général.

“Start delayed. New start time at 10AM. Reason: route preparation still in progress.”

Comme tous les soirs, nous nous retrouvons sous le chapiteau chauffé pour un repas bien mérité. Je me mets à table avec Stefan, un compatriote qui a quitté notre petit pays pour venir tenter sa chance en Suisse. Difficile de lui donner tort ! Dehors, il s’est remis à neiger, la température a baissé et ça s’annonce plutôt bien pour demain. Ce soir-là, je m’endors tranquillement sous ma petite couette bien chaude.

Le lendemain matin, je reçois le SMS suivant : “Start delayed. New start time at 10AM. Reason: route preparation still in progress.” C’est une bonne ou une mauvaise nouvelle, que l’organisation prépare encore le parcours à cette heure-ci ? Ça me laisse en tout cas déjà plus de temps pour profiter d’un copieux petit déjeuner. Sur la ligne de départ, une multitude de fat-bikes est au rendez-vous. Je soupçonne les 10 centimètres de neige fraîche d’y être pour quelque chose.

Le départ est donné et on se dirige directement vers le château au-dessus de Gstaad par une côte bien raide, pour faire demi-tour quelques kilomètres plus tard et redescendre vers la ville. Cette fois, c’est par des pistes de ski de fond que ça descend, et une fois de plus, les fat-bikes me déboulent de tous côtés. Mes pneus fins s’enfoncent sans pitié et je me retrouve une fois de plus à râler sur mon choix de vélo. Mais à peine 500 mètres plus loin, la neige durcit et j’arrive à progresser nettement mieux en dégonflant légèrement mon pneu avant.

De retour dans le bois, je remonte sur le vélo et parviens de nouveau à avancer. Dans un décor de montagnes majestueuses et de vues imprenables, je dévale les sentiers menant vers la route de Lauenen via les petits hameaux autour de Gstaad. La route monte à travers une vallée sombre et la température descend de nouveau très nettement. Pas de souci, car le mur de Lauenen, une petite côte bien méchante de 18%, va nous permettre de retrouver bien vite la bonne température.

Le décor magique irait à merveille dans les plus beaux contes de fées.

De retour au village, il nous reste une dernière boucle autour du Lauenensee. Le décor magique irait à merveille dans les plus beaux contes de fées. Imaginez un magnifique singletrack entre les arbres couverts de neige fraîche, un silence paisible et juste votre vélo et l’effort. Rien de plus magique !

Une fois passé le sommet, la descente nous ramène rapidement vers Lauenen avant de revenir vers Gstaad par la même route. Je croise quelques coureurs qui doivent encore passer la boucle supplémentaire et décide d’augmenter le tempo. Finalement, un dernier somptueux obstacle se présente sous la forme d’une piste de ski de presque 30%. Délicieux !

À peine quelques kilomètres plus loin, je franchis la ligne d’arrivée et me retrouve entouré de participants souriants. Voilà exactement la raison de mon voyage vers ce Snow Bike Festival en Suisse. Je n’aurais jamais pu imaginer une journée plus spectaculaire et mémorable que celle-ci. Et c’est avec un cannelloni bien appétissant sous le nez qu’on se raconte les anecdotes du jour.

Plus tard dans la soirée, un SMS nous annonce malheureusement que l’étape finale sera raccourcie suite aux grosses averses de pluie la nuit, car la montée vers l’Eggli deviendrait trop périlleuse dans ces conditions. Ça s’avérera la décision la plus sage le lendemain matin, avec les routes blanches à nouveau transformées en piste de glace suite à la pluie annoncée. Je me prépare pour une nouvelle étape humide et froide et découvre dès les premiers kilomètres que ce début de journée est une copie conforme de la veille.

On évite la plupart des sentiers de forêt et on rejoint Gstaad par des petits chemins glissants qui nous permettront au final de retrouver quelques bonnes sensations. La descente par la piste de ski du deuxième jour s’avère maintenant tout à fait impraticable et nous abordons la côte raide à pied. Direction la ligne d’arrivée finale de cette course folle par une dernière boucle sur route asphaltée, et voilà cette belle histoire terminée bien trop rapidement.

L’ambiance détendue et agréable du Snow Bike Festival, le magnifique décor de la ville de Gstaad et sa nature nous auront procuré un séjour mémorable. Dommage que la météo soit venue perturber le programme quelques fois, mais ne la laissez surtout pas vous refroidir si le festival vous tente. La longueur des étapes est calculée parfaitement pour vous éviter d’arriver avec des membres gelés. En plus, ça vous laissera le temps de découvrir les petites rues bien agréables de Gstaad après la course. Je reviendrai sans aucun doute, mais peut-être qu’une petite place supplémentaire dans la grange va finalement s’imposer…

La neige et le froid ne vous effraient pas et vous avez bien envie de tenter quelque chose de différent ? La 5e édition du Snow Bike Festival aura lieu du 24 au 27 janvier 2019, à Gstaad. Plus d’infos sur www.snowbikefestival.com

Un grand merci à l’Hôtel Golfresort, Gstaad.ch et MySwitzerland.com de nous avoir permis de réaliser ce reportage.

Texte : Stijn Delagaye – Photos Snow Bike Festival/Wayne Reiche

ParElodie Lantelme