Test | Specialized Epic HT Pro : l’excellence discrète

Par Olivier Béart -

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Test | Specialized Epic HT Pro : l’excellence discrète

Ne l’appelez plus Stumpjumper : désormais le semi-rigide XC de la marque s’appelle Epic. Specialized Epic HT plus précisément. Mais, au-delà de la modification du nom et malgré un changement très discret au niveau de l’apparence, c’est bien d’un tout nouveau vélo dont il s’agit. Si cela ne se voit pas au premier coup d’oeil, ça se sent immédiatement quand on en prend les commandes… et on peut parler de révélation tant ce vélo nous a éblouis lors de ce test. Explications :

Specialized_Epic_HT_Test_Copyright_OBeart_Vojomag-2Nous allons aussi en profiter pour laisser Peter Denk et les chefs produit s’exprimer, puisque nous avions eu l’occasion de les rencontrer lors du Roc d’Azur 2016, qui a servi de point de départ à ce test qui s’est ensuite poursuivi plus longuement sur nos terrains de jeu habituels.

Specialized_Epic_HT_Test_Copyright_OBeart_Vojomag-41D’entrée de jeu, Denk plante le décor :  « Pour faire un vélo léger, il faut aller à l’essentiel et respecter une série de principes physiques. » C’est sans doute ce qui explique en grande partie la sobriété des lignes de ce nouveau châssis. Toutefois, il tempère : « Si on fait un vélo uniquement sur base scientifique, niveau design ça risque de coincer. Il y a donc eu plus de 6 mois de travail et de dialogue avec les designers de la marque. Et qui, ensemble, ont trouvé des solutions. Parfois même meilleures techniquement. »

Souci du détail

Un exemple : le passage interne des câbles, dont les entrées et sorties sont un mélange de design et de technique. Pour des raisons pratiques (pas de frottements) et de résistance (c’est là qu’il y a le plus de matière), les ingénieurs voulaient une entrée au niveau de la douille. Les designers se sont chargés de l’intégration, alors que les responsables techniques ont poursuivi leur travail pour qu’à l’intérieur, les câbles suivent le chemin le plus direct possible et soient faciles à récupérer pour les mécaniciens sans avoir recours à des guides comme sur le Stumpjumper, jugés trop lourds. En tout, cette solution permet de gagner 30g sur les gaines. Il n’y a pas de petit profit.

Autre point dans la même veine : l’adaptateur pour dérailleur avant qui est entièrement amovible afin qu’il n’y ait aucune « verrue » disgracieuse lorsqu’on roule en mono. Ou encore le petit « pare-chocs » amovible situé sous le tube diagonal afin de servir de butée au sommet du té de fourche et éviter que ce dernier ou les commandes du cintre puissent venir endommager le cadre.

Des lignes droites pour un poids plume

Ce petit « pare-chocs » nous amène à un autre point particulièrement important : s’il est là, c’est que l’ensemble du nouveau châssis du Specialized Epic HT a été conçu avec les tubes les plus droits possibles afin de gagner du poids. Fini aussi les assemblages exotiques de formes, ici tout est rond ou presque.

Quand on parle de tubes, qui dit plus court dit aussi plus léger

« Vous connaissez l’adage : le chemin le plus court entre deux points, c’est une ligne droite. Quand on parle de tubes, qui dit plus court dit aussi plus léger. Mais en suivant ce principe et en tenant compte de la géométrie que nous voulions avoir, c’est quasiment impossible de faire un vélo où rien ne risque de cogner en cas de chute. C’est là que nous avons développé cette petite pièce simple, légère et remplaçable« , explique Peter Denk.

Specialized_Epic_HT_Test_Copyright_OBeart_Vojomag-43Au final, tout cela paie, puisque le cadre du Specialized Epic HT en version S-Works (fibres Fact 11M), ne pèse que 875g, soit 300g de moins que la précédente génération. Et cela en fait le cadre le plus léger jamais conçu par Specialized, route et VTT confondus. Quant au cadre en fibres Fact 10m testé ici, il est un peu au-dessus de 1100g, mais il reste plus léger que l’ancien S-Works et aussi dans la moyenne des cadres carbone de « deuxième niveau » chez la concurrence. Complet, notre vélo de test sort à 9,64kg complet en taille L. Un très joli score !

Du confort, mais pas par la tige de selle

Specialized_Epic_HT_Test_Copyright_OBeart_Vojomag-76Dernier point qui a été particulièrement travaillé sur le nouveau Specialized Epic HT, c’est le confort. Il est présenté par la marque comme un des cadres les plus confortables du marché et, pour étayer ses dires, elle présente les chiffres d’un laboratoire indépendant qui définit ce paramètre par un indice : « Auparavant, leur record était de 104 et il n’avait plus évolué de façon significative depuis des années. Sur l’Epic HT S-Works, il est de 124. Sur les autres versions on est un peu en dessous mais cela demeure au-delà du reste de la production. »

Pour Specialized, le confort doit venir du cadre lui-même et pas d’autres éléments

Peter Denk détaille que « selon nos recherches, le confort doit venir du cadre lui-même et pas d’autres éléments. Nous avons beaucoup travaillé avec McLaren pour voir quel type de confort il faut rechercher dans une optique de performance. Nous avons aussi travaillé avec les équipes en charge du Body Geometry Fit et nous nous sommes aperçu qu’avoir une tige de selle qui bouge trop est néfaste pour le rendement. Idem pour un système softail qui fait perdre 2 à 3% en efficacité. »

Specialized_Epic_HT_Test_Copyright_OBeart_Vojomag-66On peut dès lors s’étonner que la tige de selle du nouveau Specialized Epic HT reste en 27,2mm, ce qui limite les possibilités de montage d’une tige de selle télescopique, mais c’est avant tout pour une question de réduction de la surface des tubes. Et pour obtenir un cadre confortable, c’est surtout vers le positionnement et le choix des fibres que la marque s’est tournée. « Là aussi, nous avons joué de notre partenariat avec McLaren pour mettre la main sur des fibres de carbone qui ne sont, à notre connaissance, pas encore utilisées dans l’industrie du cycle. Outre une élasticité hors du commun, elles sont aussi très résistantes aux impacts. » Une nuance toutefois : c’est le S-Works seul qui bénéficie de ces fibres pour l’ensemble de son ossature.

Geométrie

Ici par contre, on peut dire que Specialized a travaillé dans la continuité du Stumpjumper HT que l’Epic remplace. Même si la tendance est à l’allongement du reach vers des valeurs « extrêmes », il n’est pas du tout question de cela ici. Avec 418mm en taille M, on est par exemple un bon centimètre plus court que le nouveau Scott Scale. Le tout est couplé à une potence assez longue (90mm en M), et à un angle de direction  de 69,8°. C’est nettement plus couché que sur son prédécesseur mais on est loin des 68,5° d’un BH Ultimate ou du Scale. Et pourtant, comme nous le verrons plus loin… ça marche sacrément bien quand même !

Specialized_Epic_HT_Test_Copyright_OBeart_Vojomag-73Enfin, on s’y attendait, mais l’arrière est en Boost 148. Principalement pour suivre ce qui sera demain le standard sur tous les nouveaux vélos et paires de roues, mais aussi pour rigidifier un peu le train roulant. Par contre, les bases restent en 430mm de long comme avant, ce qui était déjà très court. Et il n’était pas nécessaire d’aller encore plus loin juste pour le plaisir.

Equipement

Specialized_Epic_HT_Test_Copyright_OBeart_Vojomag-40Le Specialized Epic HT Pro Carbon World Cup est placé tout en haut de la gamme « régulière ». Comprenez hors S-Works. Le ticket d’entrée en Epic HT est plutôt bas avec un premier prix à 1599€ en cadre alu. On passe ensuite au carbone avec l’Epic Comp qui est lui aussi proposé à un tarif alléchant de 2499€ (en mono, désigné par le qualificatif « World Cup » ou en double). Vient ensuite l’Expert à 3499€ puis le Pro à 4999€, tous deux uniquement en mono plateau. Quant aux S-Works, ils sont à 7499€ en Sram Eagle et 8999€ en XTR Di2 ou 2699€ en cadre seul. Notons aussi que les tarifs ont baissé par rapport au modèle précédent, ce qui est assez rare pour être souligné.

4999€, c’est une coquette somme, mais il faut reconnaître que le modèle Pro World Cup a tout pour justifier son statut de haut de gamme et pour s’aligner au départ de n’importe quelle course… à commencer par le fameux groupe Sram XO1 Eagle 1×12 (dont vous pouvez retrouver notre test complet ici en version XX1).

Le choix des composants, à défaut d’être hyper luxueux, est réalisé intelligemment

Un regard aiguisé verra tout de même que le pédalier est en alu, ce qui fait prendre du poids et faire des économies pour la marque, mais sans entamer la fonctionnalité. On va d’ailleurs voir que beaucoup de choix effectués par Specialized vont dans ce sens et on peut dire que le choix des composants, à défaut d’être hyper luxueux, est réalisé intelligemment.

Specialized_Epic_HT_Test_Copyright_OBeart_Vojomag-63A l’avant, Specialized a retenu la nouvelle RockShox SID en version Boost (moyeu en 110mm de large) et avec un ensemble té/pivot en aluminium. Mais on y trouve surtout la fameuse cartouche Brain chère à la marque.

Petit rappel : il s’agit d’un système de bloquage automatique par une petite masselotte qui vient fermer le circuit hydraulique quand il n’y a pas de choc. Raffiné depuis plus de 10 ans, il atteint aujourd’hui un niveau de performance et de sensibilité qui le rendent plus pertinent que jamais.

Specialized_Epic_HT_Test_Copyright_OBeart_Vojomag-61Point crucial, si quelques équipements trahissent un souci d’économie dans le chef de Specialized, on ne peut que se réjouir de voir la présence des excellentes roues Roval Control Carbon. Avec 1580g annoncés, ce ne sont pas les plus légères, mais leur rigidité et le format de la jante (27mm externe/22mm interne) apportent un petit plus sur ce genre de plateforme. Elles sont normalement chaussées de pneus Specialized FastTrack 2.2 en carcasse Control, mais sur notre modèle test, ils ont été remplacés avantageusement par une nouvelle version 2.3 dotée de la gomme Gripton… qui nous a vraiment étonnés. A elle seule, elle donne une polyvalence que nous ne connaissions pas au FastTrack, surtout à l’avant où l’accroche est phénoménale y compris sur le mouillé.

Enfin, pour terminer ce tour d’horizon, on retrouve des freins Shimano XT (en pleine forme sur notre modèle de test, ce qui tend à prouver que les soucis mis en évidence lors de notre test longue durée ont été réglés) et des accessoires maison pour tout ce qui est poste de pilotage et tige de selle. Ces composants en alu sont de belle facture même si, à ce tarif on aurait pu attendre du carbone. Mais une fois encore, c’est plus pour une question de principe que de fonctionnalité. Mention très bien par contre pour la selle : c’est toujours un plaisir de retrouver les produits de la gamme Body Geometry.

Specialized Epic HT : le test terrain

Specialized_Epic_HT_Test_Copyright_OBeart_Vojomag-23Bon, on hésite tellement ça devient banal mais on vous le (re)dit quand même : qu’est-ce qu’on se sent immédiatement bien aux commandes d’un Specialized. Sur le papier, la géométrie n’a rien de vraiment excitant. On peut même la qualifier de conservatrice et nous avons de plus en plus tendance à aimer les vélos plus longs avec potence courte même en XC. Pourtant, ici, l’alchimie fonctionne vraiment bien, au point de remettre en doute quelques-unes de nos certitudes. C’est aussi une bonne leçon : une géo, ce ne sont pas quelques chiffres pris isolément. C’est un tout. Et Specialized montre une fois encore qu’il maîtrise la recette complète.

Specialized_Epic_HT_Test_Copyright_OBeart_Vojomag-36C’est tellement frappant qu’on a immédiatement envie de l’emmener dans les plus beaux et les plus petits sentiers qu’on connaît. Vous savez, ceux plein de petits virages dans tous les sens. D’appuis. De petits jumps. Ceux qui montrent tout de suite le caractère d’un vélo. Et là, c’est l’émerveillement. Les trois testeurs qui se sont succédés au guidon du Specialized Epic HT sont unanimes : c’est un des hardtails les plus funs, vifs et excitants qu’ils ont eu l’occasion de tester.

Specialized_Epic_HT_Test_Copyright_OBeart_Vojomag-32L’un d’entre eux, propriétaire de l’ancien Stumpjumper HT en version S-Works nous confie : « C‘est tout simplement magique et incroyablement maniable. J’aimais déjà bien le mien et là je ne sais pas comment ils ont fait… mais ils ont fait fort. » Quand on analyse un peu plus nos sensations, on se dit aussi qu’au-delà de la géométrie, plusieurs autres facteurs contribuent aussi à cet excellent feeling.

 Le vélo garde un comportement homogène et identique qu’on soit assis ou debout sur la selle

Parmi eux, le confort figure en bonne place. Specialized a, nous semble-t-il, vu très juste en misant avant tout sur le cadre pour procurer du confort. Au global, cadre plus tige de selle, il est peut-être un tout petit cran en dessous d’un Canyon Exceed par exemple. Mais sur le Canyon, la plupart de ce confort vient de la tige de selle. Et quand on se met debout sur les pédales, on retrouve un vélo plus dur et délicat. Ici, c’est tout l’inverse. Le vélo garde un comportement homogène et identique qu’on soit assis ou debout, ce qui aide à se sentir en confiance dans les passages techniques.

Specialized_Epic_HT_Test_Copyright_OBeart_Vojomag-34La stabilité en descente est aussi absolument remarquable. On n’est pas au niveau du fameux BMC Team Elite softail, mais on s’en rapproche très fort. L’Epic HT peut aussi dire merci à ses remarquables pneus Fast Track en 2.3 de section et dont la nouvelle gomme Gripton fait des miracles au niveau adhérence, pendant que le ballon important du pneu joue les mini amortisseurs. Le toucher du sol est presque « soyeux » comme avec des boyaux, alors que nous savons que les roues Roval Control Carbon ne sont pas les plus souples du marché.

Specialized_Epic_HT_Test_Copyright_OBeart_Vojomag-31On peut aussi compter sur la fourche SID pour absorber toutes les irrégularités et sur un système Brain aujourd’hui parfaitement au point. Le blocage automatique se déverrouille avec une grande discrétion et la large plage de réglages dont on dispose pour le seuil de déblocage permet à chaque biker de trouver le bon équilibre en fonction de ses préférences. Autre petit détail agréable : il aide à dégager le poste de pilotage. Sans commande de blocage au guidon, avec un seul changement de vitesses et deux freins, cela fait juste trois gaines qui partent du cintre. Et ça peut paraître anecdotique mais rouler avec quelque chose d’épuré sous les yeux, ça aide à se concentrer sur le sentier.

Specialized_Epic_HT_Test_Copyright_OBeart_Vojomag-27Reste un chapitre crucial : le sacro-saint rendement ! Pas de stress, ça envoie sévère ! La rigidité du cadre est parfaitement dosée, ce qui permet à des bikers plus fluets de faire « gicler » la bête à chaque relance. En d’autres termes, pas besoin absolument de grosses cuisses à la Kulhavy pour l’exploiter. L’impression de légèreté globale est aussi très agréable et bien présente. On peut également compter sur les roues pour seconder parfaitement le châssis. Néanmoins, ce n’est pas sur ce chapitre que la différence est la plus marquée par rapport à son prédécesseur. Qui, il faut le dire, était déjà bien explosif.

Specialized_Epic_HT_Test_Copyright_OBeart_Vojomag-33Là où il fait par contre assez nettement mieux, c’est dans les grimpettes techniques où le cadre capable de se déformer verticalement et les pneus bluffants forment un couple redoutable pour venir à bout des pires côtes. L’équilibre est également très facile à trouver pour garder l’adhérence du pneu arrière tout en gardant la roue avant bien plaquée au sol. Quant au groupe Sram XO1 Eagle, il offre aussi une sécurité bien agréable avec son pignon de 50 dents, histoire de ne pas caler même dans les forts pourcentages. On aurait même pu imaginer avoir un plateau de 34 dents devant pour avionner encore plus sur le roulant, mais c’est un détail.

Verdict

Le verdict est simple : bluffant ! Ni son look très sobre ni la lecture de sa fiche technique ne laissaient présager que nous allions avoir un tel vélo entre les jambes et qu’il allait déclencher un coup de coeur unanime chez nos testeurs. Plus qu’une simple évolution, on sent que le Specialized Epic HT a été repensé de fond en comble, avec une subtilité et un souci du détail rarement vus. Un vélo pour connaisseurs, qu’il faut essayer et pas juste regarder pour comprendre à quel point le travail minutieux mené par les équipes de développement a porté ses fruits. Voilà tout simplement ce qui est, selon nous, un des meilleurs hardtails du moment.

WebLiens utiles : Le site Specialized – Les tests du groupe Sram Eagle, de la fourche RockShox SID et du groupe ainsi que des freins Shimano XT

ParOlivier Béart