Par Olivier Béart -

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Récemment sortie d’Italie, la marque Transalpine Protek arrive dans nos contrées. Réputée pour ses cadres en carbone sur-mesure faits main en Italie, la marque commercialise également une gamme de cadres qu’elle développe mais fait fabriquer en Asie pour répondre à la demande sans cesse croissante, tout en continuant à proposer certains services de personnalisation sur ces ossatures. En attendant de pouvoir tester le tout nouveau full suspendu made in Italy roulé par les pilotes du team au Cape Epic, nous avons mis la main sur le Protek 29.SL, un cadre à 950g avec lequel le champion du Monde de marathon Periklis Ilias a remporté quelques-uns de ses derniers succès. Un conseil : ne vous attardez pas à sa couleur, les apparences sont souvent trompeuses…

Protek_hardtail_test_Copyright_OBeart_VojoMag-4Malgré un succès grandissant, la production italienne de cadres reste limitée à quelque 400 pièces par an, route et vtt confondus. Comme nous vous l’avions expliqué dans notre première présentation de la marque, Antonio Carotta, le fondateur de Protek, a donc décidé de se tourner également vers l’Asie, en sélectionnant soigneusement ses sous-traitants. En fin connaisseur du carbone, il a aussi demandé plusieurs spécificités afin que les cadres qui portent son nom restent dans la philosophie de l’enseigne.

Malgré la couleur, on a échappé au cliché « oh le vélo de gonzesse » !

Protek propose également son service de peinture sur-mesure pour ses cadres venus d’Asie, comme le 29.SL testé ici et volontairement choisi en rose flash par l’importateur belge, Le Ravito, afin de marquer les esprits. Si vous n’aimez pas, rassurez-vous, il y a plus d’une dizaine de couleurs au catalogue et une teinte custom sur échantillon est aussi possible. Mais, pour le coup, le moins qu’on puisse dire, c’est que c’est réussi et on ne passe jamais inaperçu. Passé le premier moment de surprise, on doit dire qu’on s’est attaché à cette couleur très particulière. Nous avons aussi été agréablement surpris des réactions des autres bikers, souvent très enthousiastes et on a échappé au cliché « oh le vélo de gonzesse ». Notre milieu a beau être très masculin, il n’est pas complètement phallocrate. Ouf.

Protek_hardtail_test_Copyright_OBeart_VojoMag-10Nous avons aussi été très surpris par la facilité de nettoyage du vélo. Cela peut sembler être un détail, mais nous avons testé le Protek 29.SL dans des conditions souvent difficiles et nous n’avons pas le souvenir d’avoir déjà eu un vélo sur lequel la saleté glissait aussi facilement avec un simple passage du jet d’eau. Une belle preuve de la qualité de cette peinture, qui est aussi très résistante aux griffes et aux impacts.

Protek_hardtail_test_Copyright_OBeart_VojoMag-8Au niveau des spécificités techniques, le Protek 29.SL testé ici est le hardtail haut de gamme de la maison, dont le cadre est annoncé à 950g (si on excepte le V9.F qui est le modèle sur-mesure, un peu plus lourd : 1150g). Il s’agit d’un cadre en carbone monocoque en fibres T800, moulé sur une base en EPS. Concrètement, il s’agit de la technique de production de la plupart des cadres haut de gamme, pour lesquels les fibres de carbone prennent place sur une base en polystyrène dont la forme peut-être travaillée de façon très précise. En chauffant, cette base en EPS va gonfler et exercer une pression à la fois très forte du carbone contre les parois du moule, mais aussi bien plus constante que les « vessies » utilisées par le passé. Cela permet de construire des cadres plus légers, mais aussi de travailler plus finement les épaisseurs de tubes et donc le placement des renforts, ainsi que le comportement du vélo.

1-Protek_Hardtail_test_Copyright_NPolis_VojoMag-1Le passage des câbles et Durits se fait en interne. Le système est étanche (ce n’est pas toujours le cas – bonjour l’aquarium à l’intérieur sur certains cadres) et limite bien les mouvements des câbles à l’intérieur. Il n’y a donc pas de bruits parasites. Une trappe sous le boîtier de pédalier permet de gérer le passage toujours délicat à cet endroit. De grande taille, on ne dira pas qu’elle permet un accès facile, mais le petit essai que nous avons fait avec le câble de dérailleur arrière s’est plutôt bien passé, sans grosse prise de tête.

2-Protek_Hardtail_test_Copyright_NPolis_VojoMag-1Le Protek 29.SL peut recevoir un dérailleur avant en version DirectMount Type 2 et le choix de la marque s’est porté sur le PressFit BB92, réputé plus fiable que le BB30, pour le boîtier de pédalier. Au niveau des pattes arrière, le client a le choix entre un axe traversant en 142×12 et un quick release classique. C’est assez rare pour être souligné.

3-Protek_Hardtail_test_Copyright_NPolis_VojoMag-1La tige de selle est en diamètre 31,6, et tout est prévu pour passer une tige de selle télescopique. Une bonne idée dans ce dernier cas, mais moins pour le confort car un tube plus gros est plus rigide et dissipe moins bien les vibrations. Un travail important a été fait sur le triangle arrière du vélo afin de le rendre conciliant, nous verrons juste après ce qu’il en est sur le terrain et si les deux s’équilibrent bien.

Géométrie

4-Protek_Hardtail_test_Copyright_NPolis_VojoMag-1Protek ne fait pas de folies du côté de la géométrie, mais le vélo affiche néanmoins des cotes intéressantes, avec notamment un angle de direction de 69,5°, ce qui est relativement couché pour un pur vélo de XC. On remarque aussi que les bases sont plutôt longues avec 440mm, ce qui a pour but de miser sur le confort (plus de longueur peut permettre de mieux dissiper les vibrations), la stabilité et l’équilibre du vélo en côte. Ici aussi, nous verrons ce qu’il en est lors du test.

Equipement

Protek_hardtail_test_Copyright_OBeart_VojoMag-6Nous n’allons pas nous attarder longuement sur l’équipement, dans la mesure où, même si des vélos complets sont proposés, la marque vendra plutôt des cadres seuls dans nos contrées. Vous pourrez donc choisir les composants que vous souhaitez, mais le montage (assez classique) du vélo que nous avons testé s’est avéré cohérent. Tel quel, le vélo sort à 9,340kg sans pédales.

5-Protek_Hardtail_test_Copyright_NPolis_VojoMag-1Un petit mot tout de même pour souligner la qualité de la transmission Sram XO1, toujours aussi agréable, la puissance des freins Guide, ainsi que la qualité et la polyvalence des pneus Vittoria, dont nous vous reparlerons très bientôt. La selle Prologo, surmontée de petites « ventouses », nous laissait un peu sceptiques au début, mais force est de constater qu’elle est confortable et que les tétines sont bien un petit plus, notamment dans la boue où on garde bien le contact avec la selle en côte.

6-Protek_Hardtail_test_Copyright_NPolis_VojoMag-1Les roues American Classic, bien qu’agréables et homogènes, ne donnent pas l’impression d’être si légères que ce que la fiche technique annonce (1480g) et la fourche RockShox SID de la précédente génération (la nouvelle vient d’être présentée) n’est plus tout à fait à la page. Nous avons eu l’occasion de nous en rendre compte en montant d’autres fourches sur le Protek 29.SL, qui nous a servi de base pour notre grand test de fourches XC publié il y a peu. Cela explique que vous verrez le vélo avec plusieurs fourches (RockShox RS-1 et Fox F32) plus bas dans l’article. Mais la SID reste assez performante pour bien juger le vélo et l’essai avec plusieurs proues a permis de confirmer les traits de caractère issus du cadre.

Protek_hardtail_test_Copyright_OBeart_VojoMag-1Dernier « détail », le prix. Le Protek 29.SL est vendu à 1999€ en cadre seul. Indépendamment des qualités de la machine, cela nous semble un positionnement fort optimiste pour une marque dont l’image est encore à construire et pour une ossature qui reste une base asiatique relativement standard. La peinture custom, comprise dans le tarif, est un sympathique petit plus, mais elle ne suffit pas à justifier un prix qui se rapproche de marques prestigieuses comme Open, Santa Cruz (Highball), ou encore Trek avec le Procaliber pour n’en citer que quelques-uns, sans parler des modèles vendus en kit cadre comme chez Cannondale et Specialized qui sont en effet beaucoup plus chers. Par contre, impossible de ne pas penser non plus à ces cadres asiatiques génériques qu’on peut acheter directement à la source (pas toujours idéal pour la garantie, ni pour savoir exactement ce qu’on achète) ou via un importateur européen ayant pignon sur rue mais qui propose des tarifs bien moindres que Protek même si la finition n’est pas aussi belle et si quelques détails ne sont pas aussi soignés.

Protek 29.SL : le test terrain

Protek_Hardtail_test_Copyright_NPolis_VojoMag-4Au premier abord, le Protek n’a pas une géométrie qui sort des sentiers battus. On est bien positionné… pour peu qu’on prenne soin de virer cette potence Ritchey plongeante et à la longueur d’un autre âge. Une fois cet accessoire de routier remplacé par un modèle en 90mm de long et 6° d’angle, toujours orienté vers le bas pour garder le côté racing, le vélo est enfin roulable.

Protek_Hardtail_test_Copyright_NPolis_VojoMag-2Très vite, on sent une grande nervosité. Il n’y a aucun temps de retard à l’allumage et, avec ses bases relativement longues, il évite fort à propos de se montrer sautillant de l’arrière. C’est plus une accélération façon gros V8 plein de chevaux que bi-turbo, mais ça avance vite et fort et, une fois lancé, c’est une berline allemande filant sur une autobahn sans limitation de vitesse. Pour un vélo pensé dans un esprit marathon, c’est parfaitement ce qu’il faut.

Protek_Hardtail_test_Copyright_NPolis_VojoMag-1Le vélo est aussi très impressionnant dans les longues montées au train. On se cale parfaitement sur la selle Prologo à petites ventouses et hop, c’est parti. On écrase les pédales en rythme, tel un métronome, et le vélo grimpe, grimpe, grimpe. Le grip n’est jamais un souci et on peut se concentrer pleinement sur son effort. On sent bien aussi la légèreté de l’ensemble même si, comme dit plus haut, on s’attendait à un peu mieux de la part des roues American Classic sur ce point. Ce qui ne fait que renforcer le mérite du cadre. Et nous avons eu l’occasion de nous rendre compte qu’il y a moyen de l’upgrader en l’équipant des excellentes roues Sram Rise 60 en carbone, montées en complément de la fourche RockShox RS-1 qui nécessite un moyeu avant spécifique.

Protek_Hardtail_test_Copyright_NPolis_VojoMag-3Quand on attaque les petits sentiers sinueux, le vélo est précis, maniable et agréable… mais pas forcément amusant. Ce n’est pas une machine démoniaque comme le BH Ultimate dans ces sections, malgré un angle de direction proche. Le Protek 29.SL fait le job avec brio, mais sans vraiment faire d’étincelles. En descente technique, c’est le même topo : la stabilité est au rendez-vous, comme l’efficacité (merci les roues de 29 »), mais les amateurs de pilotage pur resteront un peu sur leur faim. C’est un vélo orienté compétition marathon et, une fois encore, ça se sent.

Protek_Hardtail_test_Copyright_NPolis_VojoMag-6Vu le programme pour lequel le vélo semble parfaitement taillé, il reste la question cruciale du confort. Sans nul doute, le cadre filtre bien les reliefs et l’arrière très effilé joue bien son rôle. Mais le choix d’une tige de selle en 31,6mm de diamètre est pour nous une erreur. Tout comme le montage d’un modèle Truvativ carbone sur notre modèle de test, dans la mesure où il est connu pour sa très grande rigidité.

Verdict

Protek_hardtail_test_Copyright_OBeart_VojoMag-5On sent que le Protek 29.SL est un vélo pertinent dans le cadre d’un programme marathon/courses en ligne. Clairement, il a été conçu et pensé par des gens qui savent de quoi ils parlent. Mais qui avaient des idées très précises en tête : du rendement, un comportement exemplaire de grimpeur pour les longues côtes et de vraies capacités à aller vite en descente. Bien que pensé pour les longues distances, le Protek 29.SL oublie par contre un peu trop le confort à notre goût. Par rapport à un Open O-1.0, il est clairement en retrait. Or, pour des utilisateurs lambda comme vous et moi, c’est aussi un facteur de performance. Peut-être moins quand on a un physique de colosse grec comme Ilias, mais il n’y a pas qu’à des gars taillés comme lui que cette machine s’adresse. Par rapport aux références actuelles du marché des semi-rigides qui sont plus pensées pour un usage sur les très techniques circuits de Coupe du Monde XC, tout en ayant aussi des capacités sur des formats plus longs, le Protek manque aussi de ce petit grain de folie qui le rendrait irrésistible. Enfin, il y a la question du tarif qui vise un peu haut malgré une réelle qualité de construction et une magnifique finition. De notre côté, le cocktail « gendre idéal en tutu rose » nous a surtout mis en appétit pour tester le full suspendu 100% made in Italy qui vient de sortir. Rendez-vous très bientôt !

Plus d’infos : www.cicliprotek.it et « Le Ravito » pour contacter l’importateur.

ParOlivier Béart