Ride-trip : Une semaine dans le Valais  à manger du fromage !

Par Bérengère Boës -

  • Nature

Ride-trip : Une semaine dans le Valais  à manger du fromage !

Avant de repartir couvrir les Enduro World Series pour Vojo, Bérengère Boës s’est offert une bonne tranche de vie : une virée vélo de 6 jours au sein des alpages valaisans, en Suisse. Elle nous raconte pourquoi elle a fondu pour cette destination.

« C’est quoi ce titre ? » Je me suis dit qu’en alignant les mots ‘vélo’ et ‘fromage’ dans la même phrase, j’avais de fortes chances d’attirer les plus gourmands d’entre vous… Alors oui, je vais vous raconter comment j’ai atterri au sud de la Suisse, intégrée dans un groupe totalement cosmopolite mais prête à déguster du fromage durant six jours.

Alors non, nous n’avons pas simplement troqué nos barres énergétiques pour de petits fromages carrés enroulés de papier d’aluminium ou cachés dans une coque rouge. C’est un peu plus poussé que ça. Ici, on parle de fromage. Du vrai ! Fabriqué artisanalement avec un réel savoir-faire et une passion sans bornes. Alors, quel est le lien avec le vélo ? On y vient.

L’histoire

En septembre dernier, j’ai été appelée par le Néo-Zélandais Jamie Nicoll pour faire partie de ce trip organisé avec l’Office du tourisme du Valais. L’objectif ? Rejoindre différents alpages à vélo en passant de nombreux sommets suisses. Aller à la rencontre des producteurs de fromage de la vallée, visiter leurs laboratoires. Et surtout comprendre leur métier, leurs motivations. Le pilote allemand Max Schumann ainsi que le photographe sud-africain Gary Perkin étaient également de la partie. Trois gaillards plutôt expérimentés qui connaissent bien la montagne. Je me suis rapidement laissé convaincre !

C’est flanqués de toutes nos affaires pour six jours d’excursion (vêtements, sac de couchage, matelas, etc.) que nous avons quitté Martigny, deuxième plus grosse ville du canton et lieu de nos départ et arrivée. Vingt kilos sur le dos, ce n’est pas rien ! Pour ma part, c’était la première fois que je me lançais dans une telle aventure, j’y allais aussi excitée qu’anxieuse car tandis que j’observais les montagnes qui m’entouraient, je pris encore plus conscience que nous allions sacrément grimper. Après tout, un bon fromage, ça se mérite !

Le Valais

Mon but ici n’est pas de vous relater tous les trails parcourus et lacs ou vaches vus durant cette aventure. Non, je vais laisser les magnifiques photos prises par Gary parler d’elles-mêmes ! Maintenant, je dois souligner que le Valais m’est de suite apparu comme une destination prestigieuse. D’une part, car nous avons pu admirer les Alpes de la plus belle des manières, que ce soit depuis le bas de la vallée – lorsqu’on s’y sent tout petit – ou depuis ses sommets, où l’air est plus frais, l’ambiance plus calme. On y découvre alors un nouveau monde. Par ciel dégagé, on a la chance d’apercevoir des sommets français et italiens.

D’autre part, dans cette contrée, tout semble beau, soigné voire chouchouté. Je m’y suis rapidement sentie à l’aise (n’allez pas me blâmer !) et je pense que mes racines alsaciennes y sont pour quelque chose !

Entre le vin (le Valais est le plus grand canton viticole de Suisse), les traditions fromagères et l’accent bien prononcé des habitants, les points communs sont nombreux. Enfin, comme on y parle français, j’ai pris plaisir à jouer les médiatrices entre nos hôtes et mes collègues tout au long du trip. Du coup, à leurs yeux, j’étais la locale de l’étape même si, tout comme eux, c’était la première fois que je découvrais réellement cette partie de la Suisse.

Notre traversée

À plusieurs reprises, nous avons emprunté train, bus ou navette pour rejoindre plus facilement les départs des sentiers et ainsi optimiser notre temps dans la montagne.

Notre but ? Suivre les tracés utilisés autrefois par les fermiers pour monter dans leurs alpages.

Mais pour réellement nous en rendre compte, j’avoue que nous sommes arrivés quelques dizaines d’années en retard car aujourd’hui, l’ensemble des producteurs arrivent à rejoindre leurs ateliers avec un véhicule équipé en fonction. Seuls les propriétaires de l’alpage du Dorbon (rencontrés le quatrième jour) rejoignent leur hébergement à la marche, et deux ânes sont là pour les aider à porter la marchandise et les fournitures nécessaires.

Côté chiffres, nous avons roulé 130 kilomètres et 4900D+. Rien de très fou a priori, si on étale cela sur six jours. Sauf qu’en réalité et malgré l’aide des quelques transports en commun, cela l’a été quand même ! Les chemins empruntés étaient parfois très/trop raides pour les franchir à simple coups de pédales. Il a donc fallu pousser et porter le vélo à maintes reprises, et cela parfois durant plusieurs heures.

Certaines journées, le mot ‘épique’ a d’ailleurs pris tout son sens. Je me rappelle du troisième jour où, sur un total 18km, nous avons quasiment monté 2000 mètres de dénivelé positif pour seulement 900 mètres de négatif. Pas besoin d’être un savant mathématicien pour comprendre que c’était raide et que la journée fut longue !

Même si je ne vais pas cacher qu’à plusieurs reprises, mon corps m’a montré ses limites, aujourd’hui, je ne retiens que les meilleurs moments : vues sans pareil sur des levers ou des couchers de soleil, sur des lacs, des pics. Nous avons été gâtés. Ici, pas besoin de filtre Instagram, on laisse parler la nature.

Une de nos étapes nous a d’ailleurs amenés à nous arrêter au refuge de Rambert, à 2582 mètres d’altitude. Nous avons pu voir des bouquetins à seulement quelques mètres de nous. Magique !

Enfin, durant les journées plus ‘light », quand principalement nous redescendions les versants grimpés la veille, nous avons pris un peu plus le temps de savourer et nous en avons profité pour immortaliser certains lieux… ‘Privilège’, le mot était approprié.

Les alpages

Rapprochons-nous désormais du cœur du sujet, à savoir les alpages, les producteurs et leurs fromages. Sur ces six jours, nous avons été accueillis dans quatre alpages différents : Emaney, Au d’Arbignon, Dorbon et Pointet, dispersés de part et d’autre dans le Valais et tous situés à plus de 1650 mètres d’altitude.

Côtés histoire, organisation, chacun avait ses spécificités. Pourtant, ces producteurs partageaient tous un point en commun : la passion. Celle pour leurs animaux. Celle pour leur métier et pour le travail bien fait.

En quelques mots, ils se lèvent entre 4 et 5 heures du matin pour la première traite et s’arrêtent un peu avant 20 heures. Entre-temps, tout s’enchaine. Il faut collecter le lait, chauffer, presser, saler, stocker et affiner. Mais aussi nourrir les bêtes, nettoyer, stocker… J’en passe et j’en passe. La liste est bien trop longue. En général, ces producteurs vivent dans leur alpage d’avril-mai à septembre-octobre. Durant cette période, il n’y a aucun répit. Pourtant, cela ne les empêche pas d’être heureux. Cela se sent et cela nous a conquis. Ils sont fiers de leur travail, ils aiment leurs animaux et sont épanouis ainsi.

Je me rappelle d’ailleurs de quelques anecdotes. Je commence par Jean-Marc, de l’alpage d’Emaney. Il y a travaillé durant plus de 30 ans. Il est aujourd’hui retraité mais continue d’aider son fils Thomas, qui a repris l’activité. Sa femme Claudine, avec laquelle il a partagé l’exploitation, en fait de même : « On aime ça, on est bien ici », avait-elle répondu, tout calmement, tout simplement.

Il y a aussi Jean-Henri, du gîte d’alpage de l’Au d’Arbignon. Cela fait plusieurs années qu’il gère son business et lorsque nous lui avons demandé combien de temps encore il envisageait de rester ici, il a répondu : « Je ne sais pas, mais à un moment, je vais bien vouloir partir en vacances avec ma femme et mon fils. Mon seul moyen de faire ça, c’est de faire reprendre cet alpage par quelqu’un d’autre. Puis je chercherai un autre alpage. En attendant, je fais du mieux que je peux, je m’intéresse également à la vente en ligne pour mes fromages, on doit rester à jour sur ce qui fonctionne. »

Il y a aussi l’alpage du Pointet, l’un des plus gros exploitants de la vallée. Six personnes y travaillent à la haute-saison : deux à la traite, deux à la fabrication de fromage et deux en tant que bergers. Aujourd’hui, c’est Bertrand, le fils, qui a repris l’entreprise de ses parents. Le soir de notre arrivée, ils avaient organisé un vrai festin : un apéro riche de tous les produits locaux – à se remplir trois fois plus le ventre qu’il n’en faudrait ! –suivi d’une inévitable raclette. A table, tous les employés parlaient et riaient comme des amis de longue date. L’ancien patron, Stéphane, a passé sa soirée à nous servir la raclette, aidé par sa femme, Marie-Noëlle. Ils ne se sont pas assis une seule fois, veillant à ce que tout ce monde puisse profiter du moment. Avec Jamie, Max et Gary, nous avons eu le même sentiment : ces personnes travaillent dur mais n’en perdent pas pour autant les valeurs d’échange, de partage et de respect, peu importe la hiérarchie.

En ce qui concerne le fromage, tous nos hôtes nous ont fièrement présenté les différentes étapes de leur travail et nous ont fait déguster leurs spécialités préférées : pommes de terre et fromage frais, fondue, raclette, galette au fromage de chèvre… notre régime produits laitiers a été riche, gourmand et savoureux !

Même topo pour les déjeuners à emporter que nous préparaient nos hôtes au matin avant nos départs : de la bonne tomme, du fromage frais, du bon pain et du saucisson fait maison. Sacrée cure, je l’admets ! Le nombre de fromages goûtés avait d’ailleurs été estimé et, si mes souvenirs sont bons, nous avions largement dépassé la trentaine !

Je tiens aussi à préciser que le fil (fromage) conducteur entre tous ces producteurs était le fromage raclette. Ils le vendent principalement aux restaurateurs, aux coopératives ou dans des centres comme la Fromathèque à Martigny, où notre trip a commencé. Ils nous ont dit devoir toujours travailler avec une grande rigueur pour garder la qualité exigée par le label AOP de la vallée qui fait la fierté du Valais et ravit nos papilles.

Debrief’

En terminant cette virée valaisanne, je me suis forcément remémoré tous ces trails et paysages fantastiques. Cette semaine helvétique passée avec Jamie, Max et Gary restera un moment inoubliable et en parler me donne à chaque fois le sourire. Je les remercie d’ailleurs pour leurs encouragements et leur bonne humeur qui ont parfait ce séjour.

L’aventure achevée, je me suis rendue compte que j’avais aussi été complètement séduite par les personnes rencontrées, d’où ce constat que je me permets de partager. Aujourd’hui, nous avons une explosion de propositions de différents régimes alimentaires, notamment ceux qui touchent les aliments d’origine animale.

Moi la première, je me pose beaucoup de questions : savoir ce qui est le plus approprié pour la planète ou moi-même ? Manger végétarien ou végan (pour n’en citer que deux), beaucoup de personnes ont déjà passé le cap et il est clair que les différents reportages scandaleux régulièrement publiés dans la presse me poussent à penser que le virage pris par certaines sociétés du monde agro-alimentaire est inquiétant. Durant ce trip, en voyant comment ces animaux étaient chéris, comment les vaches laitières étaient libres de leurs mouvements à plus de 1500 mètres d’altitude, à l’air frais dans ces grands espaces, j’ai été rassurée sur le fait qu’il n’y a rien de mal à manger des produits dits « animaux », du moment qu’on s’assure de leur provenance. Je ne suis pas là pour débattre ou porter un jugement sur ceux qui ne pensent pas comme moi.

Je veux juste attirer l’attention sur le fait que oui, il existe toujours des exploitations où les animaux sont respectés et sans surexploitation. Ces vaches-là mangent l’herbe des prés chaque jour et sont d’une zénitude non-contestable. Elles sont plus que respectées, elles sont chouchoutées, sont élevées par des personnes qui connaissent leur métier et qui, en aucun cas, ne voudraient transgresser les valeurs inculquées depuis plusieurs générations.

 Moralité

La morale de ce voyage ? J’aime toujours autant le vélo, voire plus encore. Le Valais ? C’est magnifique, je vous le recommande. Des gens arrivent encore à conjuguer travail et passion, aussi dures et intenses que soient leurs journées. Il existe encore des lieux où chaque être vivant est respecté. Le fromage ? c’est délicieux. Le savoir-faire des producteurs et le goût incomparable des produits artisanaux vaudront toujours largement les quelques euros supplémentaires. Bref, j’ai choisi et vais m’y tenir!

Voilà, mon unique souhait est d’avoir pu vous faire partager cette « semaine à vélo à manger du fromage », à vous confier à quel point j’ai été sous le charme de ces exploitants, de leurs produits. J’invite tous les lecteurs à favoriser la qualité des produits, à opter pour les circuits courts en matière d’alimentation. En revanche, à vélo, évidemment, court ou long, le choix du circuit vous appartient !

Par Bérengère Boës. Photos ©Gary Perkin

En savoir plus sur le Valais: https://www.valais.ch/fr/home

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