Premier essai | Specialized Levo Carbone 2018 : toujours un vrai vtt (électrique) !

Par Olivier Béart -

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Premier essai | Specialized Levo Carbone 2018 : toujours un vrai vtt (électrique) !

Le Specialized Levo passe au carbone, mais il reste avant tout un Levo ! Souvenez-vous, lors de notre premier test du Specialized Turbo Levo FSR, nous avions intitulé notre article « un vrai vtt (électrique) » pour souligner le fait qu’il a le bon goût de mettre en avant d’abord ses qualités de vélo tout-terrain plutôt que sa motorisation. Aujourd’hui, malgré l’arrivée d’un moteur plus puissant et performant en plus du cadre en carbone, c’est toujours cet aspect qui prime. Explications avec notre premier essai des Specialized Turbo Levo Comp Carbon 2018 et S-Works 2018 dans la station de Mountain Creek, à l’ouest de New-York.

Mais le Specialized Levo 2018, carbone comme alu, hérite d’autres petites améliorations qui méritent également qu’on s’y intéresse, comme la présence d’un nouveau moteur plus puissant de 15% et doté d’une vraie commande au guidon, ou encore d’une fourche en 150mm de débattement et de pneus en 2.8 de section contre 140 et 3.0 l’an dernier. Pour plus d’infos sur tous ces aspects techniques, rendez-vous dans notre présentation complète. Ce qui va nous permettre de sauter directement au guidon du Specialized Levo FSR Comp Carbon et d’enchaîner avec le très luxueux S-Works.

Specialized Levo FSR Comp Carbon : sur le terrain

Le premier Levo carbone que j’ai eu l’occasion de prendre en main est la version Comp, soit la porte d’entrée dans l’univers de la fibre noire sur ce modèle électrique. La finition du cadre est superbe et, visuellement, on oublie complètement que l’arrière est en aluminium.

La filiation avec le Stumpjumper est encore plus claire que sur l’alu et les lignes semblent plus fines. Je n’ai hélas pas pu le peser précisément, mais le gain de poids par rapport à un alu classique ne saute pas aux yeux… ni aux bras quand on le soupèse.

Pour cette première sortie, la découverte se fait en groupe. On se met en route et on grimpe jusqu’au sommet des pistes de la petite station de Mountain View, bien entendu sans prendre les remontées mécaniques. Je retrouve avec plaisir la discrétion et la souplesse caractéristiques du Levo. C’est toujours plus subtil qu’un Bosch, même avec la mise à jour e-MTB qui améliore pourtant les choses. Et le Shimano n’arrive pas non plus au même raffinement selon moi, d’autant que la coupure moteur du Levo est plus progressive encore avec ce nouveau moteur et la dernière gestion.

L’évolution du moteur Brose qui équipe le Specialized Levo carbone n’est pas immédiatement perceptible, si ce n’est dans les très forts pourcentages, où on sent que ce nouveau Levo Carbon offre un peu plus de poigne et de dynamisme qu’auparavant. La position est très agréable pour grimper et je retrouve très vite mes marques, comme sur les Levo Expert alu que j’ai eu l’occasion de rouler par le passé.

Le nouveau Levo Comp en carbone remplace pour moi l’ancien Expert alu dans la gamme, du moins si on se base sur les prestations et les sensations plus que sur le patronyme

Quand vient l’heure des comparaisons, c’est à lui que je pense immédiatement, pas à la version Comp alu que j’avais eu l’occasion de tester brièvement. Assez clairement, le nouveau Levo Comp en carbone remplace pour moi l’ancien Expert alu dans la gamme, du moins si on se base sur les prestations et les sensations plus que sur le patronyme. Ce qui n’est pas une mauvaise nouvelle vu qu’il est 500€ moins cher que son prédécesseur. Quant au nouveau Levo Expert carbone, il monte résolument en gamme et c’est au public de l’ancien S-Works qu’il s’adresse désormais.

Au moment d’attaquer les zones en pierriers sur lesquelles nous avons aussi testé le nouvel Epic, j’apprécie vraiment le travail des suspensions. La nouvelle fourche RockShox Revelation n’a plus rien à voir avec l’ancienne et elle n’a pas grand chose à envier à la Pike. Son châssis est rigide et la cartouche Charger fonctionne à merveille. A l’arrière, l’amortisseur RockShox Monarch RT fait largement aussi bien le job que le Fox qu’il remplace, avec peut-être même un poil plus de sensibilité sur les petits chocs. Par contre, j’ai légèrement diminué la pression par rapport à celle donnée par l’Auto SAG (qui était neuf, ce qui peut expliquer qu’un léger rodage soit nécessaire).

Toujours dans la grosse caillasse, le nouveau Specialized Levo Comp Carbon me semble un peu plus rigide que l’alu. Rien d’extraordinaire, ni de quoi le rendre plus dur à piloter dans les rochers mais on sent bien un petit quelque chose en plus. On sent par contre plus la souplesse des roues Roval Traverse en aluminium, dont j’ai commencé à sentir les limites alors qu’elles ne m’avaient jamais semblé être un point faible sur l’ancien Expert. Certains confrères plus lourds ou avec un pilotage plus agressif ont aussi plié un ou deux flancs de jantes (sans crever).

C’est le seul point d’équipement qui m’a semblé perfectible, avec peut-être la commande Sram GX bridée ne permettant de passer qu’une vitesse à la fois. Je reconnais que c’est pertinent et que cela évite de tout exploser en changeant toutes les vitesses à la volée vu la puissance du moteur, mais c’est parfois frustrant dans certaines portions quand on sait pertinemment ce qu’on fait et qu’on a besoin de passer rapidement 2 ou 3 vitesses.

C’est finalement sur les pistes parfaitement shapées du bike-park et les sauts que je sens un poil plus de répondant de la part du nouveau cadre, ainsi qu’une précision redoutable. Cela dit, le cadre alu était très bien né et l’apport du carbone ne se fait qu’à la marge. Voilà qui va rassurer les propriétaires du modèle actuel : leur vélo n’est aucunement démodé. Il faudra juste songer à lui monter des pneus en 2.8 de section parce que là, il y a du changement ! Mais nous allons voir cela plus en profondeur au guidon du Levo S-Works Carbon.

Specialized S-Works Levo FSR Carbon : sent-on la différence ?

Après le Levo Comp Carbon, je prends les commandes de la très luxueuse version S-Works avec un cadre 100% carbone, des roues carbone et des suspensions Ohlins. Des changements majeurs sur les trois points les plus importants sur un vélo, logiquement, ça devrait se sentir mais je suis curieux de voir dans quelle mesure, et si le surcoût est « justifié » (je mets des guillemets car je sais que quand on arrive dans ces prix, l’irrationnel et la passion jouent un rôle bien plus grand que la raison).

Seul, je joue cette fois plus avec la commande au guidon pour passer d’un mode à l’autre dans la première longue ascension. Le mode Trail reste le plus polyvalent (les vélos étaient équipés des réglages « par défaut » du Levo) mais la petite commande tombant bien sous le pouce et étant agréable à manipuler, je passe plus souvent en Eco et en Turbo que sans commande. Logique. Je teste aussi le mode Walk, réellement très efficace même si appuyer en permanence sur ce petit bouton n’est pas très agréable si l’ascension s’éternise. En roulant, j’essaie aussi le bouton supérieur qui permet de passer directement en Turbo, mais là je suis nettement moins convaincu car, quand on en a besoin, c’est qu’on est dans une position délicate et son accessibilité est très perfectible.

En côte comme sur les zones rocailleuses à plat, je ressens ici une très nette différence au niveau du poids. On a enfin un vrai S-Works, alors que le précédent en alu restait trop proche de la version Expert. Selon moi, les roues carbone ont évidemment un rôle important, tout comme les nouveaux pneus Butcher 2.8 Gripton Grid. Les jantes apportent un vrai plus en dynamisme, tout comme les pneus qui améliorent grandement la précision de pilotage sans faire perdre en confort. Le 3.0 sur un e-bike, ça passe (contrairement à un vélo classique en pneus Plus), mais le 2.8 est vraiment le compromis idéal, surtout avec des pneus de cette qualité.

Mais les roues ne sont pas seules responsables de ces sensations. J’ai clairement l’impression que le cadre full carbone apporte aussi une grande part dans cet ensemble de choses qui font du Specialized Levo S-Works Carbon un vrai e-bike haut de gamme. Si le cadre du Comp Carbon ne m’a pas bluffé d’emblée, ici, c’est le contraire. On sent directement que quelque chose se passe et, au-delà des 150g en moins, le triangle arrière en carbone apporte une bonne petite dose de « pep’s » en plus au vélo.

Restent les suspensions Ohlins. J’avoue humblement avoir toujours un peu de mal à les régler, du moins par rapport aux produits RockShox et Fox que je connais bien. Puis, il faut le dire, ce sont de vraies « usines à gaz » dont les nombreuses possibilités de réglages demandent du temps et une grande capacité d’écoute de ses sensations pour en tirer le meilleur. Ici, vu le temps limité, heureusement que j’ai pu compter sur l’équipe de chez Specialized pour m’aider à y voir clair directement.

Une fois bien réglées, ces suspensions contribuent aussi à améliorer la dynamique du vélo, dans le sens où elles vont se montrer très fermes par rapport aux mouvements venant du pilote, et beaucoup plus souples par rapport à tout ce qui vient du terrain. Du moins si on roule vite, car à basse vitesse, on a du mal à les faire rentrer dans le débattement et à les amener dans la zone où elles travaillent le mieux. Bilan, les bunny-ups sont d’une facilité déconcertantes et enrouler les obstacles comme un chat se fait très naturellement. Plus en tout cas que sur le Comp, plus lourd mais aussi doté de suspensions plus « plush », c’est à dire plus souples en début de course et plus flatteuses.

Par contre quand on attaque dans le très défoncé, c’est un régal. On joue beaucoup avec le vélo, comme sur un vélo musculaire et je me surprends à piloter différemment qu’avec tous les autres e-bikes que j’ai eu l’occasion de tester à ce jour et sur lesquels je laissais beaucoup plus le vélo au sol, le laissant agir et profitant à la fois de son poids et de sa stabilité naturelle pour arriver au bout des zones sensibles. D’un côté, on s’économise plus grâce à la légèreté du Levo Carbon S-Works, mais d’un autre côté c’est un pilotage plus physique et éprouvant qu’on a envie d’adopter à son guidon. La rigidité et les pneus un peu plus fins vont aussi dans ce sens et sont sans doute responsables du fait que j’ai trouvé cette version S-Works moins confortable que les autres Levo que j’ai pu essayer. Attention, on reste sur quelque chose de très bon, mais par rapports aux autres Levo et à la moyenne des e-bikes, je sens une différence. Sauf peut-être par rapport au BMC Trailfox AMP qui boxe un peu dans la même catégorie.

Enfin, côté batterie, je n’ai pas épargné les ressources disponibles mais en à peine plus de 25 bornes (avec 900m de d+ il est vrai), j’avais utilisé plus des 3/4 de la batterie. Même constat lors de la séance photo réalisée un peu plus tard avec 1/2 batterie vidée en moins de 20 bornes. En mode Eco, le Specialized Levo peut faire des merveilles en matière d’autonomie et la fonction Smart Control de l’app aide à être sûr de ne pas rentrer sans batterie (elle gère pour vous l’assistance selon un objectif de distance ou de temps encodé) mais quand on roule « à l’instinct » comme moi, pour se faire plaisir ou pour pousser le vélo dans ses retranchements, on sent qu’il est gourmand et qu’il y a encore des progrès à faire, même si le nouveau moteur et le gain de poids de ces nouveaux Levo carbone devraient permettre de gagner quelques pourcents par rapport à la précédente génération. C’est néanmoins le cas pour tous les e-bikes du marché actuel et on se dit que c’est, avec le poids, le premier point sur lequel on attend des évolutions majeures dans les années à venir, en tant qu’utilisateur de ce genre de machine.

A l’approche de l’heure du bilan, je songe aux autres e-bikes récents sur lesquels j’ai roulé. La comparaison avec le BMC Trailfox AMP est inévitable. Lui aussi en carbone (avant uniquement), il a aussi ce côté sportif très marqué, mais le Levo Carbon, même en S-Works, m’a semblé plus facile, docile et accessible. J’ai en tout cas trouvé directement le mode d’emploi du Levo S-Works carbone alors qu’il m’avait fallu plus de temps sur le BMC. Il donne aussi une plus grande sensation de légèreté et je préfère la puissance discrète de son moteur à celle du Shimano. Je n’ai hélas pas encore roulé avec le nouveau Scott e-Genius ni avec le Rocky Mountain Altitude PowerPlay mais je pense par contre au Moustache Race 9, qui donne une sensation de légèreté moins marquée que le Levo S-Works (mais plus que le Comp Carbon) tout en étant plus confortable et tout aussi joueur. Tous ces vélos marquent en tout cas de sérieuses évolutions et montrent que le milieu des vtt électriques bouge beaucoup et vite !

Verdict

Ce premier test du Specialized Levo Carbon en version Comp a montré qu’il était surtout un digne remplaçant de l’ancien Expert, moins cher mais à peine moins bien équipé (l’essentiel est là) et doté d’un cadre en carbone qui, sans être une révolution, apporte un petit plus bien agréable. Le très luxueux Levo S-Works carbone rentre par contre dans une autre dimension et là, on sent qu’il reprend de l’avance sur la concurrence. Avec lui, le Levo est plus que jamais un VTT avec un plaisir de pilotage en descente et des sensations qui se rapprochent de celles d’un vélo classique… avec juste l’assistance qui est là au cas où et pour vous aider à remonter au plus vite et enchaîner avec d’autres spéciales. Dans le tout haut de gamme, il établit de nouvelles références et, si on en a les moyens, l’upgrade vaut le coup. Quant au Levo Comp Carbon, c’est toujours avant tout la discrétion et la disponibilité de son moteur, sa géométrie et la qualité de ses suspensions qui marquent. Certains aimeraient peut-être plus de radicalité (et cela viendra sans doute car Specialized doit avoir senti qu’il y a des amateurs pour cela) et malgré l’upgrade moteur, le Levo n’est sans doute toujours pas le choix idéal pour ceux qui recherchent un pur « vélo électrique » au comportement plus orienté sur le moteur et la mécanique que sur le côté vélo, mais en attendant, en termes d’homogénéité et d’agrément, ces nouveaux Levo consolident leur place de référence.

Liens utiles : le site Specializednotre présentation détaillée de la nouvelle gamme Specialized Levo 2018 et des cadres carbone

ParOlivier Béart