Morgane Jonnier : Trois semaines, une EWS, une Mega, mon camion et moi

Par Paul Humbert -

Morgane Jonnier : Trois semaines, une EWS, une Mega, mon camion et moi

Trois semaines de trip à travers les Alpes, la région Provence Alpes Côte d’Azur et l’Aveyron… Ca vous tente ? C’est ce que nous propose la pilote d’enduro Morgane Jonnier après trois semaines passées entre des enduro régionaux, la coupe du Monde de Millau et la Mégavalanche de l’Alpe d’Huez. Du ride, des sapins, du soleil et beaucoup de plaisir ! Toujours partants ? Alors je vous embarque !

Vendredi, 18 heures : C’est le début des vacances ! Il est l’heure de préparer le van pour trois semaines de voyage ! Celles-ci seront organisées au rythme des compétitions : un beau programme m’attend avec l’enchaînement d’une manche d’un Cannondale Enduro Tour, d’une manche de Coupe de France, d’une manche de Coupe du Monde et de la mythique Mégavalanche.

Le Cannondale Enduro Tour de Muhlbach

Tout d’abord, direction les terres alsaciennes de Jérôme Clementz et Pauline Dieffenthaler pour la manche du Cannondale Enduro Tour de Mulbach sur Bruche organisée par le club local du Molsheim Fun Bike.

Pour une première édition, ce fut unique ! La veille une pumpbattle était organisée sur la pumptrack flambant neuve du village de Mulbach. L’odeur des tartes flambées flottait dans l’air, les poursuites s’enchaînent en opposant les riders qui, pour certains, s’échauffaient pour le lendemain et, pour d’autres, profitaient simplement de l’occasion pour prendre une bonne tranche de rigolade ! Beau succès, les sourires étaient au rendez-vous !

Le lendemain, le rallye était superbe, on retrouvait du flow sur chaque descente. A la fin de cette journée nous avions avalé 30 kilomètres, 1550 mètres de dénivelé positif et six spéciales. Excellente première mise en bouche ! Je n’avais plus qu’une seule idée en tête : rouler, rouler, rouler, et continuer à profiter à fond !

Morzine !

Alors, dès le lendemain c’était reparti ! Je sautais dans le van et prenais la direction du sud avec un premier arrêt dans les alpes. Pour cette première semaine, mon copain et ses deux vélos se joignent à ma petite aventure. La station de Morzine en Haute-Savoie nous a accueillis avec un sublime soleil et une chaleur intense. C’est bien la première fois que j’allais rouler dans la poussière là-bas !

 

Durant cinq jours, nous avons enchaîné les descentes raides, techniques et rapides. Nous y avons croisé Morgane Charre et Ben Winder ainsi que les locaux P.A (le mécano de Loris Vergier du team Santa Cruz Syndicate) et Nicolas Gentils qui ne se sont pas fait prier pour nous faire découvrir les singles freeride du coin. Un pur bonheur de partager ces moments et ces sentiers en bonne compagnie

Pour rester en phase avec nos âmes de vadrouilleurs, chaque soir, pour passer la nuit, nous jetions la tente dans un nouveau lieu : le lac de Montriond, les hauteurs des Gets…Un soir, en difficulté de « douche », nous nous sommes offerts le luxe d’une nuit au camping ! Nous avons d’ailleurs profité de l’occasion pour plonger et patauger dans un jacuzzi face au Mont Blanc. C’est dans des moments comme celui-ci où on se dit que nous sommes chanceux. J’irai même jusqu’à dire que cette journée était « la journée parfaite ». La recette est simple : ride non-stop avec des proches et de nouveaux amis, un burger en guise de casse-croûte et un jacuzzi face à la montagne pour se détendre.

La Tribe 10 000

Après cette semaine idéale nous reprenions la route et nous ralliions, 452 kilomètres plus loin, la belle vallée d’Allos dans les Alpes de Hautes Provence pour la troisième manche de Coupe de France : la Tribe 10000.

Pour cette quinzième édition, qui en revenait au format « original », des spéciales longues très physiques et techniques s’offraient à nous. Les chronos affichaient en moyenne 15 à 20 minutes. Le terrain était exigeant avec beaucoup de roches tranchantes, nos ennemies du week-end. Il a fallu piloter avec délicatesse et rester « focus » sur ses trajectoires pour éviter les erreurs. Comme le nom de la course l’indique, nos petits bras et nos petites jambes ont ainsi encaissé 10 000 mètres de dénivelé négatif. J’ai pris beaucoup de plaisir à rouler sur cette manche, je suis d’ailleurs montée sur la première marche du podium.

Pas le temps de rêvasser, il me fallait déjà repartir, seule cette fois-ci, vers de nouveaux objectifs. Je me suis tout de même accordée un micro arrêt dans le Var dans la maison familiale pour laver mon linge, embarquer une cagette pleine de patates nouvelles de mon papa, et faire un coucou à Tribe Sport Group et à Sioux Blanc pour réviser le vélo avant de repartir pour la Coupe du Monde EWS à Millau.

L’EWS de Millau

366 kilomètres plus tard, j’arrivais à destination. Millau, capitale des sports outdoors le temps d’un week-end. Cette coupe du Monde était organisée en même temps que les Natural Games. Durant la semaine, de multiples sports se côtoyaient pour le plus grand bonheur des amoureux de la nature : escalade, slackline, parapente, stand up paddle, kayal, BMX, VTT enduro… il y en avait pour tous les goûts !

Au moment de fixer la plaque sur mon Devinci Troy, je réalise avec anxiété que, ça y est, j’y suis ! Je vais prendre le départ de cette coupe du Monde et même si je n’avais pas d’objectifs, je me devais de finir pour ne pas réitérer mes maladresses de ma toute première EWS en Irlande où je cassais mon dérailleur.

Après une première journée de recos, j’ai stationné mon van sur le parking réservé aux riders pour faire de la mécanique. Toute la difficulté résidait dans le fait de jongler entre les orages furtifs mais violents qui nous tombaient sur la tête… En quelques minutes, je nous repliais – moi et mon paquetage – dans l’étroitesse du camion, j’attendais que l’orage passe, puis je ressortais, finissais le travail, et enfin me préparerais un petit repas au réchaud avant de tout replier et de m’enrouler au chaud entre mes murs de tôle. Tout un programme !

La seconde journée de recos se déroulait de la même façon, mais sur un versant opposé. Le terrain était gras, les spéciales engagées et très physiques.

Jour J. Après un petit déjeuner frugal, plus l’heure de mon départ approchait, plus la boule au ventre grossissait. Heureusement que les copines (Chloé Galléan, Isabeau Courdurier, Alex Marchal, Claire Hassenfratz…) arrivaient pour détendre l’atmosphère ! Départ Je ne vois pas le temps passer, les liaisons sont raides et on doit poser pied à terre. Au départ de la dernière spéciale de la journée, un bel orage éclate et je passe la ligne d’arrivée trempée. 

Epuisée au bout des 47 kilomètres, cinq spéciales, et 1990 mètres de dénivelé positif, je fais le bilan de ma première journée : je ne me sentais pas à l’aise dans les spéciales, les jambes ne répondaient pas à la sortie des virages, ni dans les relances. Mais, au moins, j’avais bouclé ma journée et me raccrochais à ça.

Au soir, je gare mon camion au lieu de départ du lendemain. Je n’avais toujours pas mangé et le vent m’empêchait de m’installer à l’extérieur. C’est entre mon lit, mes sacs, mes affaires boueuses, la caisse à mécanique, et mon vélo que je préparais le repas du soir. Ni le vent, ni le toc toc des gouttes sur le toit ne parviendront à m’empêcher de trouver le sommeil après une telle journée.

Deuxième jour de course : il caillait, le vent soufflait toujours autant, la pluie tombait encore. Enduro Wet Series vous dites? Ma dorsale encore trempée de la veille sur le dos, je me présentais au départ avec un brouillard dantesque, un vent glacial et une pluie battante. Heureusement, encore une fois, il y avait les copines !

Le terrain était plus gras que jamais et les embourbements étaient légions sur les liaisons, dur dur ! En passant, la ligne d’arrivée définitive, je retrouvais le sourire et le soleil, de retour en cette fin de journée : je l’avais fait, j’avais terminé et j’étais arrivée à bout de ces 88 kilomètres de course ! Rien de mieux qu’une petite douche illégale dans un camping pour terminer la journée avant de rejoindre les copains à la base des Natural Games pour manger un bout et apprécier le spectacle. Place à la fête, bien méritée ! Ce n’est finalement que le lendemain que j’ai fini par réaliser que je venais de boucler une coupe du monde…. Mais pas le temps de gamberger, il était déjà l’heure de repartir pour la Mégavalanche !

La Mégavalanche de l’Alpe d’Huez

Après 5 heures de route, me voilà dans la fameuse ascension de l’Alpe d’huez sous un soleil resplendissant. Le repos était de rigueur pour mon premier jour à l’Alpes d’Huez. Grasse mat’, détente, remise en forme du vélo et trempette dans la fraîcheur des lacs … : gros programme pour faire passer les courbatures de la World Cup !

Rapidement de retour sur le bike, c’est en milieu de semaine que les choses sérieuses commençaient : place à la descente du glacier ! A 9 heures au Pic Blanc, à 3300 mètres d’altitude, la neige était bien molle. Malgré un pilotage houleux, et une fin de glacier chaotique, j’étais parvenue à ne pas chuter. Je m’en sortais plutôt bien ! S’en suivait la partie la plus délicate du tracé : une zone technique dans de l’ardoise agressive à flanc de montagne. Arrivée en bas, les mains et les jambes se faisaient sentir : nous allions souffrir le jour de la course !

Le lendemain, c’était reparti pour un tour mais cette fois ci avec les copains. Le leitmotiv du jour, du fun et encore du fun ! Malgré un téléphérique en panne, nous avions décidé de descendre une partie du parcours de qualif : block pass et inters allaient bon train dans la poussière de l’Alpe ! Remontés au sommet du glacier et après une photo de groupe pour bien commencer, nous nous élancions pour un départ en mass start entre potes avant l’heure. On a roulé, on a glissé, on s’est planté mais on a surtout rigolé !

Fin des jours de reconnaissances. Pendant que mon vélo se faisait dorloter chez Kévin de TwoWheels, j’ai profité de la bonne ambiance qui régnait pour passer quelques moments avec les autres riders qui venaient de toute l’Europe et qui campaient là. Les discussions allaient bon train, les rigolades aussi. Au fond, le but était le même pour chacun d’entre nous : (sur)vivre la Mégavalanche !

Jour de qualification, la boule au ventre était de retour… AAALAAARRRMMMMAAAA !

Le mass start des filles est envoyé ; nous étions une soixantaine. Je suis parvenue à me positionner parmi les cinq premières. Alors que je passais les zones techniques sans trop de problème, je me suis faite distancer au pédalage. J’ai finalement passé la ligne d’arrivée en septième position. Une bonne chose de faite : j’allais pouvoir être sur la ligne A le lendemain pour le glacier.

ALARMA raisonne. Ca y’est, nous nous élançons. Malgré une neige à peu près praticable, dans un inter, j’ai glissé sur une plaque de verglas, et ni une ni deux, je me suis retrouvée sur le dos, la tête tapant le sol. Un peu sonnée, j’ai repris la course. Je courrais à côté de mon vélo tant la neige était molle sur la fin. Je commençais à rattraper des rideuses, je bouchonnais derrière tant il était difficile de se doubler. J’apercevais au loin le top 5 s’envoler, mais pour ma part, je me régalais, c’était trop bon ! 

 Les parties de pédalages étaient très physiques, j’avais beau tout donner, j’avais l’impression d’être au ralenti ! Arrivée à la montée de l’Alpes d’Huez, les copains étaient là pour m’encourager ! Quel bonheur ! Place à la partie descendante ensuite, avec des zones très rapides, des sous-bois, des racines, du raide, de la terre meuble. Du pur bonheur ! Dernier coup de cul, je commençais à faire des erreurs de pilotage, j’étais fatiguée et les jambes me brulaient ! Dernière ligne droite, et ça y’est, je passais la ligne d’arrivée. Tremblante et nauséeuse certes, mais tellement contente d’avoir passé cette ligne ! J’ai finalement pris la 7e place au bout de 1 heure de course.
Une nouvelle édition de la Mégavalanche prend fin, et met fin par la même occasion à mon périple. Il est temps désormais de retrouver le chemin du travail, de revenir à une vie normale, de retrouver un lit spacieux, d’arrêter de cuisiner avec un réchaud…  Mon roadtrip prend fin, mais je repars la tête remplie de souvenirs. Vivement l’année prochaine !

ParPaul Humbert