Chef produit, qu’est-ce que c’est ?

Par Paul Humbert -

Chef produit, qu’est-ce que c’est ?

Comment se construit une gamme de vélos ? Quelles seront les grandes tendances ? Qui décide où le sport va aller, voilà une toute petite partie du travail d’un chef produit. Derrière cette sombre appellation se cache un métier dont beaucoup rêvent. Nous avons rencontré Daniel Oster, le chef produit VTT de la marque Canyon qui nous en a dit un petit peu plus sur son quotidien. En guise d’intermédiaire de luxe, Fabien Barel était avec nous et le pilote de la marque nous présente son implication dans le travail de développement des vélos. Rencontre.

Chef produit chez Canyon, il est en charge, avec d’autres, du développement des VTT de la marque. Daniel intervient en amont et pendant le développement « physique » d’un vélo, tout un programme !

Daniel, comment peux-tu présenter ton métier à nos lecteurs ? 

J’essaye de trouver la meilleure solution pour leurs problèmes et présenter le meilleur produit possible. Attention, tout se passe en équipe avec des ingénieurs, des designers et des chefs de projets. On se rend sur des évènements pour savoir ce qui se fait et ce que les gens recherchent comme vélos. Nous devons trouver la meilleure solution à leurs problèmes. Quelle géométrie, quel débattement, quelles solutions techniques. Nous interrogeons également les distributeurs et on écoute les critiques émises.

canyon-daniel-oster-2016-vojo-paul-humbert-4Travailles-tu déjà avec les pilotes pro de la marque à ce stade du développement d’un vélo ? 

Oui et non, dès que j’ai une idée j’en parle à Fabien qui me donne son avis mais tout est dans le compromis. Ses besoins ne sont pas ceux des pratiquants lambda mais il est nécessaire de satisfaire certaines de ses exigences. C’est un bon mix. Au bureau, on roule beaucoup et nous sommes bien plus proches du commun des mortels. Mais avoir la vision de professionnels est importante.

Tu passes plus de temps au bureau ou au contact des pratiquants ? 

Là encore, c’est un mix des deux. Il faut avoir la vision du terrain mais je passe aussi du temps à regarder des vidéos et à lire des forums.

Canyon_Strive_Race_AL_7.0_Race_Test_Action_Copyright_Beart_VojoMag-8Est-ce qu’il est facile de faire comprendre « l’identité » que tu souhaites donner à un vélo au moment de sa commercialisation ? 

Il y a beaucoup de communication à faire. Aujourd’hui, il y a énormément de « naming » et il faut mettre un sens sur les mots. Trail, All-Mountain, Enduro, on peut facilement s’y perdre.

Fabien Barel prend alors la parole pour prendre un exemple un petit peu plus concret : « avant on avait des vélos de 160mm de débattement qui ne pédalaient pas bien, mais aujourd’hui, tout cela a changé et les gens doivent le comprendre ».

canyon-daniel-oster-2016-vojo-paul-humbert-7Daniel Oster présente toutefois une des grandes évolutions de ces dernières années : « Avant, plus de débattement rendait pour certains un vélo meilleur. Aujourd’hui, moins de débattement mais plus de qualité dans le travail de la suspension est bien plus pertinent. » On pense bien évidemment à l’explosion des vélos de All-Mountain ces deux dernières années, qui sont venus parler à tous les anciens adeptes des vélos d’enduro qui n’exploitaient pas tout leur débattement.

Les pratiquants ne sont pas les seuls à même de faire changer le caractère des vélos

Il y a de plus en plus de possibilités de rouler avec le développement des trails-center en Angleterre et en Allemagne. Cela pousse indéniablement le développement des « Trail-bikes ».

Au fil de la discussion, nous apprenons également que l’E-bike est bien évidemment au coeur des préoccupations de la marque, ou est du moins dans ses radars, car c’est un peu ça finalement ce métier de chef produit : être un radar.

canyon-daniel-oster-2016-vojo-paul-humbert-3De nouveaux publics arrivent au vélo ? 

Avec ces infrastructures et tous les nouveaux vélos, indéniablement ! Tout est rendu plus facile et on devrait voir plus de femmes (la marque développe actuellement une très large gamme de vélos féminins) puis des familles avec des enfants. Le VTT comme sport de famille va grandir un peu comme cela a été le cas avec la majorité des sports « outdoor ».

9-Canyon_Strive_Race_Copyright_Beart_VojoMag-1Tu dois être au coeur de toutes les polémiques et discussions sur les standards (pneus, tailles de roues,…) ? 

« On teste beaucoup de choses et on essaye de ne retenir que le meilleur. Il n’y a pas de solution idéale pour tout le monde. En revanche, chaque pratique aura des solutions techniques pertinentes. Si on prend le cas des pneus Plus, on teste beaucoup de choses mais nous ne sommes pas forcément convaincus par les plus gros formats que nous avons vu sur le marché. Tout dépend de la pratique du pilote et de sa région. Il y a trop de catégories dans le marché du vélo… »

canyon-daniel-oster-2016-vojo-paul-humbert-5Qu’est-ce qu’il est possible de faire dans ce cas ? 

« On peut appeler ça de l’éducation. Nous devons simplifier nos messages sur notre site parce que dans notre modèle économique, il n’y a pas d’intermédiaire. Notre client doit comprendre ce qui est pertinent pour lui. Plus largement, il faut vraiment tout simplifier. La majorité des VTTistes ont des plages de réglages énormes sur leurs montures mais très peu savent vraiment régler finement leur matériel. Il faut être très clair dans nos messages et que nos vélos soient faciles à comprendre, régler et prendre en main. Évidemment, nous sommes face à un dilemme : celui de concilier les avancées technologiques et la simplicité. Les deux ne font pas toujours bon ménage.

Où vas-tu chercher des sources d’inspirations en dehors du milieu du vélo ? 

Comme beaucoup, dans les milieux auto et moto, surtout pour ce qui concerne le design.

canyon-daniel-oster-2016-vojo-paul-humbertEn chapeautant le développement des VTT de la marque, comment est-il possible de donner une vraie identité, ou un vrai caractère commun à tous les vélos Canyon ? 

« Même avec des débattements différents, nous travaillons nos suspensions de la même manière et on retrouve indéniablement un caractère commun à plusieurs vélos de la gamme. Toutefois, le trait commun le plus évident est le look et le design des vélos. »

Fabien prend alors la parole : « Leur travail est super intéressant et toute l’équipe s’arrête une fois par semaine et se réunit pendant une heure pour faire un petit point sur tous les projets en cours et échanger des idées. »

Notre discussion dérive ensuite sur le travail effectué sur le Sender, le dernier vélo de descente de la marque mais nous vous gardons tout cela sous le coude pour notre test à sortir prochainement. Daniel et Fabien échangent alors quelques regards, il est temps pour eux de nous laisser. Ils partent ensemble sur le tracé de l’enduro du Roc d’Azur (dont vous pouvez retrouver notre portfolio ici : www.vojomag.com/news/enduroc-2016 ).

enduroc-2016-daniel-osterPrésent sur le Roc d’Azur, Daniel grimpera sur un Strive (qui est son petit favoris dans la liste des vélos de la marque). Il terminera 37ème. Avant de nous quitter, nous prenons rendez-vous pour une future visite à Koblentz, au siège de la marque. Affaire à suivre…

ParPaul Humbert